Tout d’abord il y eut la première journée à Jarnac… les Américaines de Larkin Poe ont mis le feu sur l’île Madame en alliant charme et énergie. Rebecca et Megan produisent un blues-rock hyper relevé et ont même présenté le single de leur futur album. Le public très motivé a prouvé son engagement, idéal avant de découvrir la dextérité guitaristique des Mexicains Roberto Y Gabriela. La reprise du « Echoes » de Pink Floyd est totalement revisitée et déroutante.
Le lendemain au jardin public de Cognac, le Bayonnais Kēpa a chauffé le public en solo avec sa « National Steel ». Le blues de l’ancien skatteur est très plaisant et son « Eldorado » convainc les premiers spectateurs tranquillement installés en pelouse. Auparavant, une poignée de chanceux avait assisté au show-case de la magnifique Joyce Tapé au Corner, une rencontre Africaine autour de 7 musiciens talentueux. Les poids-lourds de la journée vont se succéder à un rythme effréné : les Bordelais Franck & Damien puis les Américains Altered 5 Blues Band. Les premiers enchainent leurs titres au ukulélé, banjo et slide-guitar (dont une magnifique reprise de « Sympathy For The Devil » des Rolling Stones) alors que le quintet originaire de Milwaukee fait danser les Cognaçais. Le chant puissant de Jeff Taylor ne laisse personne indifférent. Pour finir la journée, Ben Harper & The Innocent Criminals vont ravir avec un set intimiste commencé a capella une foule compacte. Les titres « Steal My Kisses », « Diamond On The Inside » et l’incroyable « With My Own Two Hands » resteront les grands moments de sa performance. Le Californien peine à renouer avec le succès du début des années 2000 mais ses concerts demeurent émouvants notamment dès qu’il s’assoit à la slide-guitar, définitivement incontournable.
Vendredi est une journée dont la programmation comprend plus d’artistes Français. Tout d’abord l’excellent Vicious Steel Fuel Band emmené par le charismatique (et très sympa) Cyril Maguy, fort d’une dizaine d’années de carrière et de concerts donnés aux U.S.A. L’artiste et son band vont asséner au public un blues-rock parsemé de cuivres et d’harmonica du plus bel effet. Le single « Gas Station » en atteste, tout comme la reprise de « House Of The Rising Sun ». Le collectif déguisé en mécaniciens a reçu des mains de Michel Rolland, le prix Cognac Blues Passions. Malade, Fred Chapellier est remplacé par Neil Black qui produira un concert remarqué dans la pure veine du festival avec quelques classiques dont « Knock On Wood », le standard d’Eddie Floyd publié en 1966. A cet effet, le festival est aussi la célébration du blues dans les 4 coins du centre ville. Chez Martell, aux Abattoirs, au Corner, dans le jardin public ou dans les rues piétonnes, de nombreuses scènes sont installées et certaines manifestations sont gratuites et très agréables, probablement uniques au monde.
A 20h30, la foule est entassée devant la scène « Blues Paradise » pour applaudir l’artiste Français le plus marquant de ces 40 dernières années : Francis Cabrel. Arrivé seul avec sa guitare, il saisit directement l’auditeur avec une interprétation de « L’Encre De Tes yeux » poignante. L’heure et demi qui suit ressemble à un gigantesque best-of dont les meilleurs morceaux resteront « Leïla Et Les Chasseurs », « Je t’aimais, Je t’aime et Je t’aimerai », « Octobre » et « Ma Place Dans Le Trafic ». Les 3 choristes et l’orchestre (dont les fidèles Denis Benarrosh et Freddy Koella) mettent en valeur les textes du troubadour toujours emprunts de bon sens et d’humanisme (« Des Hommes Pareils »). Mention spéciale au récent « Rockstars Du Moyen Age » dédicacée aux défenseurs de nos langues régionales. Précédemment, les Cognassais ont découvert Gérard Lanvin en chanteur qui venait présenter « Ici-Bas » réalisé en collaboration avec son fils Manu et Nicolas Bonnière du groupe Eiffel, tous deux présents sur scène. Des paroles engagées permettant à l’un des plus grands acteurs Français de dézinguer nos politiques mais également de porter un message d’espoir. Une parenthèse, qui sera probablement unique des dires de l’intéressé en interview, dans laquelle Manu Lanvin a mis son groupe (The Devil Blues) au service de son père. D’ailleurs ce dernier porte les stigmates de son récent accident de moto où il faillit perdre un doigt…
L’un des meilleurs moments du festival restera la prestation tardive de Christone Kingfish Ingram. Le prodige de 22 ans présente son album « 662 » et va littéralement enflammer la scène « Expérience Cognac » de ses envolées guitaristiques dès l’introduction « She Calls Me Kingfish ». Digne successeur de B.B. King qui foula ses planches en 1995 et 2009, il est un ovni de la 6 cordes qui porte sur ses (larges) épaules l’avenir du blues. N’hésitant pas à se mêler au public durant 15 minutes, il est la révélation de cette édition 2022 et ses covers de Michael Burks ou Jimi Hendrix (« Hey Joe ») confirment ses qualités. A suivre avec intérêt !
Samedi après-midi au Corner, Sunny War accueille les premiers festivaliers pour présenter ses compositions torturées. Timide, la poétesse Américaine dispose d’un accent très soutenu et casse une corde en direct. Pour cette unique date Française, elle partage de larges extraits de son 6ème album (« Single Syrup ») que ce soit lors de son show intimiste ou plus tard sur la scène « Experience », minimaliste mais efficace pour les deux prestations. A 20h00, le duo Lilly Wood And The Pricks investit la grande scène afin d’entamer les hostilités nocturnes. Comme à son habitude, Benjamin « protège » physiquement Nili en début de show notamment des photographes. Son short fait d’ailleurs sensation auprès de ces derniers qui ont l’oeil vif ! Les récents « In Love For The Last Time », « Most Anything » et « You Want My Money » côtoient des extraits de leurs albums précédents dont l’incontournable « Prayer in C », hit de 2010. Un passage réussi à Cognac qui s’achève avec « My Best » laissant le sentiment que le groupe est heureux de se produire en festivals cet été.
Le concert qui va fédérer les spectateurs est Simple Minds, les Écossais qui fêtent leurs 40 ans de carrière vont résumer leurs 22 albums studios (inégaux) en 1h30 avec un Jim Kerr survolté. Posant pour les photographes durant le premier quart d’heure, il enflamme le public et dégage une sympathie palpable et communicative. « I Travel », « Waterfront », puis l’incontournable « Mandela Day » chauffent l’antre du Cognac Blues Passions pour saisir les spectateurs au vif sur « Belfast Child ». Un titre aux incroyables échos Celtiques qui confirme que la voix du chanteur est intacte. Le guitariste Charlie Burchill n’est pas en reste et affiche un plaisir visible à arpenter les scènes Françaises depuis quelques semaines. « Someone, Somewhere in Summertime », « Don’t You » et « Alive and Kicking » achèvent les fans et finissent par convaincre les rares septiques. Pour clôturer la nuit, le trio Chris Grey & the Bluespand qui fête ses 10 ans d’existence va tenter de rivaliser avec Kingfish passé la veille sans jamais y parvenir. Malgré de belles envolées musicales (« Funk The Mall ») rappelant les Red Hot Chili Peppers, les Anglais proposent une basse écrasante qui couvre les guitares et la voix du chanteur bodybuildé. Ce dernier finira en fosse à partager une bière avec le public.
Suite à l’annulation de Liam Gallagher pour cause de fausse laryngite et vraie connerie, la programmation du dernier jour est modifiée et le co-gérant du festival décide d’inviter tous les Cognassais gratuitement au planning réorganisé. Le jeune groupe Dead Chic, les Danois Thorbjorn Risager & The Black Tornado et le virtuose Américain Marcus King vont bénéficier du site pour exprimer leurs talents respectifs jusqu’au bout de la nuit sous une chaleur écrasante. A noter la parution de « Bastion Session » pour la bande à Damien Felix et l’excellent « Young Blood » de Marcus King prévu le 26 août. Lors d’une interview, notre confrère Xavier Bonnet de Rolling Stone Magazine a qualifié de « très bon disque » cette sortie estivale.
En résumé, ce week-end au Cognac Blues Passions fut une réussite totale malgré la défection marquante de dernière minute. Il faut souligner le travail des 300 bénévoles et l’investissement de la société Belle Factory qui travaille toute l’année pour nous proposer un programme qualitatif. L’ambiance festive et familiale doit perdurer et 2023 sera la 30ème édition !
Bravo Michel Rolland, Samuel Vincent et Gwenaëlle Tranchant pour le plaisir que vous apportez aux mélomanes !
Diego OnTheRocks
Crédits photos : Patrick Koune