Le Perpignanais CALI est un artiste à part dans le paysage musical Français. Qu’on l’aime ou pas, il ne laisse pas indifférent et le rencontrer une nouvelle fois confirme nos entrevues précédentes… le chanteur est attachant, très sympathique et d’une humanité déconcertante.
Le public du Théâtre Fémina l’a (encore) constaté ce 14 janvier 2025 alors qu’il venait défendre « 20 ans d’Amour Parfait », son premier album solo réédité pour l’occasion avec des duos inédits. Sur scène, il est accompagné de Steve Nieve, ancien musicien d’Elvis Costello pour un piano-voix de 2H20.
Ce concert commence sur les chapeaux de roues car le chanteur apparaît dans les balcons du superbe Théâtre Fémina et rejoint son comparse Britannique pour un show transpirant et qualitatif. Il va interpréter (et dans l’ordre) l’intégralité de son album fétiche « L’Amour Parfait » publié en 2003 récemment remis au goût du jour avec des duos de « copains ». Cabrel, Obispo, Calogero, Bénabar et bien d’autres sont de cette réédition mais malheureusement pas de la tournée ! Quant à lui, le concert permet à Paul Félix (ex-chanteur du groupe Bordelais Gamine et qui influença Cali pour son bouquin « Voilà Les Anges ») de retrouver les planches et des applaudissements nourris. Bruno joue avec le public, surfe sur la foule, invite les femmes sur scène, fait chanter une spectatrice, danse avec une autre, reprend U2, The Pogues et félicite son pianiste durant tout le show.
Il y a deux points culminants dans cette soirée : les interprétations des titres « Le Grand Jour » et « Tout Va Bien ». La première chanson est humoristique alors que la deuxième ressemble au constat d’une vie dans laquelle Steve inclut un passage de Rufus Wainwright « Going To a Town » tout simplement splendide. Un grand moment qui ne se vit qu’en live. Le final est bordélique et Cali termine entouré de femmes autour du piano et de « 1000 Coeurs Debouts ». Avant ce concert un peu dingue que l’artiste proposera tout au long de l’année à son fidèle public, j’ai eu l’opportunité de le rencontrer pour une interview Luxe Infinity :
Diego : Merci Bruno d’accepter cette nouvelle rencontre ! « 20 ans d’Amour Parfait » en 2023, en regardant dans le rétroviseur, le temps passe t’il trop vite ?
Cali : Oh que oui et je ne m’attendais pas à ce « coup de feu « . C’est une très bonne question que je me pose réellement… je me dis que je ne changerais rien mais ces instants ne repasseront plus. Ceux-ci étaient fous. J’ai souvenir du 16 décembre 2002 à 18h, j’appelle chez moi et je préviens mes proches que j’ai signé un contrat pour 4 albums dans une grosse maison de disques ! 4 albums = 10 ans… un morceau de vie. Nos enfants nous rappellent que nous vieillissons mais un artiste se resitue dans le temps au fil de ses disques et le temps file vite, très vite…
Diego : Comme dans toutes les carrières artistiques, avec ses hauts et ses bas ?
Cali : Tout dépend de l’échelle de valeur. Mon plus beau « haut » serait un bal de village près de chez moi avant d’être connu car c’était la fin de l’orchestre. On a joué durant 5 heures et à la fin, j’ai décidé qu’on reprenne depuis le début ! On a joué 5 heures de plus… 10 heures de bal ! Évidemment j’ai d’autres moments incroyables sur le premier album du style « tu vas en vendre 3000 et ce sera génial » et grâce à « C’est Quand le Bonheur », on en a vendu 50 000 en quelques mois pour finir à 600 000 exemplaires. Des moments dingues. Rencontrer Patti Smith ou recevoir un appel sur l’île de la Réunion pour apprendre que j’allais chanter avec Jim Kerr de Simple Minds au prochain Taratata est fou… et au même moment je vois une baleine au loin dans l’océan Indien ! Quels souvenirs !
Diego : Nous ne sommes pas dans « Menteur » mais bel et bien dans la vraie vie de Cali ?
Cali : Oui ! Je te promets. Des instants fous. Concernant « les bas », c’est lorsque « les hauts » dont je viens de te parler n’arrivent plus, on a le sentiment d’être plus bas… que se passe t’il ? C’est un métier de rencontres, de frustrations, d’amis pour la vie qui peuvent retourner leur veste, de confiance mais aussi de déceptions. En 12 albums, on change de style, on prend des positions et les avis divergent. Le public est versatile, tant mieux. Vouloir plaire n’est pas toujours un but en soi. J’adore ta question et j’ai eu la chance de croiser Higelin, Lavilliers, Thiefaine, Adamo et Charlelie Couture qui sont des monstres sacrés. Leurs conseils sont précieux et discuter avec eux est rassurant.
Diego : Comment est née l’idée de retravailler « L’Amour Parfait » 20 ans plus tard ?
Cali : Je voulais fêter ce disque que je considère comme « mon album trèfle à 4 feuilles ». J’ai vu le monde grâce à lui et joué dans des zéniths et des théâtres grâce à une rupture sentimentale qui m’a influencée ! Pour la réédition, j’ai réalisé le disque en appelant les copains, j’avais listé les 13 titres et elles ont toutes une histoire. Par exemple, Francis Cabrel est arrivé naturellement suite à une reprise acoustique de « Encore et Encore » fait 20 ans plus tôt, pareil pour Stephan Eicher. Les quelques exceptions sont Peter Kingsberry du groupe Cock Robin et l’incroyable Elliott Murphy, croisé par hasard dans Paris et qui me connaissait.
Diego : Pour la réorchestration des morceaux, Steve Nieve et ta fille Coco ont joué des rôles prépondérants ?
Cali : L’idée était de mettre les voix en avant en minimisant l’orchestration. Steve Nieve, Steve Wickham des Waterboys et ma fille violoncelliste Coco ont mis en musique ces nouvelles versions.
Diego : La surprise du disque c’est Elliott Murphy mais l’évidence c’est la présence de ton pote Bénabar ?
Cali : Pour l’occasion, nous avons fait un clip avec Bénabar chez moi à Vernet les Bains. Nous nous sommes pris pour deux danseurs classiques genre Noureev et Barychnikov et avons passé deux jours fantastiques. Une éclate totale « chorégraphiée » avec la prof de danse de ma fille…
Diego : Par contre, le grand absent de ce disque est Christophe Miossec !
Cali : Effectivement mais c’est la période où il ne pouvait pas ! Il écrivait sur une ardoise et ne pouvait pas ouvrir la bouche. Il n’est pas passé loin de la correctionnelle et a bien suivi les préconisations des médecins. Dans ce disque, il manque également Hubert Félix Thiéfaine qui était en pleine tournée et qui ne s’éparpille pas au travail. On a ajouté deux bonus au disque avec Obispo et ma fille. Lorsque j’ai annoncé les chanteurs présents, Pascal m’a appelé et m’a fait savoir qu’il « voulait en être » et il a choisi « Les Choses Défendues » extrait de mon album publié en 2016. J’ai insisté pour que Coco chante « L’Amour Parfait » avec son père.
Diego : Les deux « boss » sont présents dans ce disque ! Obispo qui a remplacé Goldman pour les tubes et Lavilliers qui est le « patron sévèrement burné » de la chanson Française actuelle ! Récemment tu as chanté pour les 30 ans de Taratata et les 40 ans de Bercy ?
Cali : Oui j’ai joué avec Zazie à Bercy pour les 40 ans de la salle (sur « A Ma Place ») et j’ai joué quelques mois auparavant à l’U Arena de Nanterre pour les 30 ans de Taratata où j’ai raconté ma première rencontre avec Patti Smith. J’étais fier comme le patron d’un bar-tabac en rentrant dans mon village ! Pour l’anecdote, j’ai eu un gros problème de retour-son sur « A ma Place » et ai chanté en lisant sur les lèvres de Zazie devant 20 000 personnes… les boules ! Je n’entendais rien.
Diego : Autre sujet, prépares-tu une suite à ton troisième roman « Voilà les Anges » sorti en 2021 ?
Cali : Oui, d’ailleurs ce soir la première partie du concert est assurée par Paul Félix, chanteur de Gamine qui a chanté ce tube en 1988. J’ai terminé un quatrième roman qui est tapé par ma chérie (car j’écris à la main) et nous en avons retranscrit un tiers. C’est une histoire d’amour qui se passe dans plusieurs pays, parle de la guerre en Ukraine et de la coupe du monde de rugby. Un roman pur sur l’ amour absolu.
Diego : D’ailleurs le livre de David Desvérité « Je Dois Encore Vivre » est-il ta biographie officielle ?
Cali : Oui. Tu imagines faire une bio par un mec qui s’appelle « Desvérité » ! (rires) J’ai accepté après avoir lu la bio qu’il a écrit sur Charlélie Couture qui est incroyable, tout comme sa vie. David a également écrit un bouquin sur Philippe Djian, romancier et parolier de Stephan Eicher puis une biographie du chanteur Américain Isaac Hayes.
Diego : Si tu pouvais aller au resto avec une personnalité de ton choix, morte ou vivante, qui serait-elle et de quoi parleriez-vous ?
Cali : Question difficile ! S’il n’y en avait qu’une, Charles Bukowski car il mettrait le bordel dans le resto ! J’ai souvenir de son passage à l’émission Apostrophes sur Antenne 2 qui quitte le plateau de Bernard Pivot ivre mort… un extrait devenu culte ! Après j’adorerais partager un repas avec Léo Ferré (dont je côtoie la famille) ou Tom Waits qui est brillantissime. Une grande réunion avec Bono, John Lennon, Mick Jagger, Keith Richards, Bowie, Patti Smith et je poserais les mêmes questions que lorsque j’ai participé à la tournée « Les Aventuriers » avec Kolinka, Calogero et Aubert qui racontent des anecdotes de carrière. Celles de Téléphone sont énormes notamment leur anniversaire après les séances de studio aux Etats-Unis avec les Who et les Stones.
Diego : Une tablée digne de la Cène de Léonard De Vinci ! D’ailleurs Bertignac relate ses souvenirs dans le bouquin « Jolie Petite Histoire ».
Cali : Elle est superbe son autobiographie ! Je leur poserais la question sur leur insouciance, leurs délires de l’époque. Si vous ne l’avez pas lu, je vous conseille le livre « Please Kill Me, l’Histoire non censurée du Punk ». C’est un mélange d’interviews depuis MC5 et c’est la bible qui te permet de comprendre le punk-rock et ses racines tentaculaires depuis la genèse.
Diego : Autre question difficile, les 5 plus belles minutes de ta vie ? Pour notre quatrième entretien, je varie les plaisirs…
Cali : Les 5 premières minutes de vie de chacun de mes enfants. Si on exclut les naissances, le hasard de la première rencontre avec la mère de mes filles. Un vrai coup de foudre à Pau. Je jouais avec le groupe Tom Scarlett (NdA : actif de 1997 à 2001) et nous sommes tombés en rade avec notre camion, obligés de dormir dans le bar. La meilleure copine du barman s’appelait Caroline et nous nous sommes reconnus. Après, les 5 premières minutes de mon groupe de lycée qui s’appelait Pénétration Anale ! On s’est fait virer mais ces 5 minutes-là étaient mémorables…
Diego : Un nom de groupe que l’on ne pourrait plus utiliser en 2025 !
Cali : Tu m’étonnes ! J’ai vu notre groupe cité dans un bouquin qui relate l’histoire du Punk ! Trop fier !
Diego : Pour finir, 3 mots que Bruno utiliserait pour définir Cali ?
Cali : « Inadapté » (à cette vie et société), « Bordélique » (totalement), « Abandon » dans le sens où l’on s’abandonne au public sur scène. Ce n’est pas calculé mais je ressens le lâcher-prise physiquement et c’est extraordinaire. Quelque part, ce n’est pas un travail « normal » de monter sur scène, il ne faut pas trop y penser.
Diego : Merci Bruno et belle tournée 2025 !
Cali : Bravo pour tes questions qui sont très opportunes ! Merci.
Photos : Emma Derrier
Remerciements : ASTERIOS SPECTACLES
Photos : Emmanuelle DERRIER