Peu d’événements peuvent se targuer d’un siècle d’existence. Les 24 Heures du Mans représentent la course d’endurance par excellence. Au mois de juin, tous les habitants de la ville sarthoise du Mans participent de près ou de loin à cette véritable fête nationale automobile. Ils se mobilisent pour en faire une manifestation unique.
PAR CORINNE BÉDROSSIAN
En cette année de centenaire, les 24 Heures dépassent toutes les attentes. La billette[1]rie est close depuis plusieurs mois. Les ins[1]criptions ont atteint le nombre record de 62 équipes internationales. Tom Kristensen, avec ses neuf victoires, endosse le titre d’ambassadeur du centenaire et déambule dans Paris au volant de la Chenard et Walc[1]ker, première gagnante des 24 Heures du Mans en 1923. Un trophée unique spécialement créé pour l’occasion en par[1]tenariat avec la Monnaie de Paris récompensera le vainqueur. Pour rendre hommage à 100 ans d’existence, les 24 Heures se sont exposées au salon Rétromobile à Paris. Qui aurait imaginé en 1923 que cette course allait être aussi pérenne et devenir la référence en matière d’endurance ?
Course de référence
Les 24 Heures du Mans, c’est avant tout une organisation complexe orchestrée par l’ACO (Automobile Club de l’Ouest) et dirigée par Pierre Fillon. Ce passionné découvre cette épreuve avec son grand-père en 1966, à l’âge de sept ans, lorsque Ford détrône Ferrari durant une “bataille épique”. Dès lors, il ne ratera plus aucune édition. Les 24 Heures du Mans, ce sont aussi des noms comme Tom Kristensen (avec neuf victoires), Jacky Ickx (six victoires), Dereck Bell (cinq victoires), Henri Pescarolo (quatre victoires), Fernando Alonso, Graham Hill, qui comptabilisent 9, 6, 5, 4 victoires. C’est également un palmarès constructeur avec, sur le podium le constructeur Porsche qui, à lui seul, a remporté 19 victoires, Audi et ses 13 victoires, Ferrari avec 9 victoires. D’autres grandes marques ont gagné cette compétition : comme Jaguar, Bentley, Toyota, Alfa Romeo, Ford, Peugeot, Bugatti, BMW, Aston Martin, Mercedes, etc. Les 24 Heures du Mans, ce sont 13,626 Km de circuit, une réunion de plus de 200 000 passionnés qui y assistent chaque année, un musée qui raconte l’épopée de l’automobile dans la Sarthe, avec 140 véhicules et qui permet aux visiteurs de s’immerger dans la plus grande course d’endurance au monde. C’est un décor pour le cinéma (“200 à l’heure” en 1934, “Le Mans 66” en 2019, “Michel Vaillant” en 2003) et toute une histoire… Mais à travers ses spectacles et ses prouesses, cette course est tout d’abord un laboratoire extraordinaire pour les constructeurs et les pilotes.
Innovations technologiques
Selon Pierre Fillon, en 100 ans, les 24 Heures du Mans ont participé activement à l’évolution de l’automobile. Les avancées technologiques ont, de tout temps, constitué la raison d’être du sport automobile. La compétition a poussé les constructeurs à innover. Elle leur a aussi permis de tester la validité de ces technologies. À ce titre, les 24 Heures du Mans tiennent une place à part. En effet, à la recherche de la performance s’ajoute celle de la fiabilité. Ces innovations technologiques ont été développées sur piste, validées puis intégrées dans les voitures de série. Des innovations majeures ont vu le jour sur la piste sarthoise : les phares antibrouillards en 1926, la traction avant en 1927, le moteur arrière en 1949, les freins à disque en 1953, les phares à iode en 1962, pour ne citer qu’eux et, plus récemment, le moteur hybride en 1998, les phares à led en 2011, l’hydrogène en 2018. A travers la compétition, les constructeurs ont confirmé la fiabilité de leurs innovations. Ils ont également suivi de près les inquiétudes liées au dérèglement climatique et la nécessité d’innover pour contribuer à la sauvegarde de la planète.
Terrain d’expérimentation
Dès 1998, l’Américain Dan Panoz a l’idée d’une motorisation hybride en associant un bloc thermique à un moteur électrique qu’il testera sur son Esperante GTR-1 Q9. Il ne sera pas vainqueur mais cette technologie sera adoptée par Audi, Porsche, Toyota qui gagneront la course avec leurs voitures hybrides, participant ainsi à la démocratisation de l’hybride sur les routes. En 2022, Les 24 Heures du Mans et le Championnat du monde d’endurance FIA WEC adoptent un carburant 100% renouvelable pour l’ensemble du plateau : Excellum Racing 100. Issu de l’économie circulaire, ce biocarburant tire son énergie du recyclage de la biomasse résiduelle de la viniculture. Il permet ainsi une réduction d’au moins 65% des émissions de CO2 sur son cycle de vie. En 2026, les prototypes à propulsion hydrogène formeront une catégorie à part entière dans la course. Les 24 Heures du Mans marquent encore une fois leur terrain d’expérimentation pour la technologie à venir. Ce grand laboratoire aura conquis les générations depuis 1923. Il aura été le théâtre de compétitions, de challenges, de défis et d’avancées techniques. Il sera toujours un événement unique au monde accueillant des milliers de passionnés et continuera de jouer un rôle primordial dans la construction de voitures toujours plus économes, fiables et efficientes.