Designers, ingénieurs, mécaniciens, passionnés vouent une adoration à cette formidable création dédiée à la mobilité. On l’aime, on la déteste, on l’achète, on en a l’usage. Petite, grande, sportive ou SUV, l’automobile ne nous laisse jamais indifférents.
PAR CORINNE BÉDROSSIAN
Certains vont trouver l’inspiration pour intégrer l’automobile dans leurs créations artistiques,
d’autres vont l’utiliser comme support pour exprimer leur art… Naît alors une véritable symbiose entre la marque automobile et l’artiste : la Art Car. Initiée par Hervé Poulain, c’est en 1975 que la première BMW Art Car voit le jour. Désireux de concilier ses deux passions – l’art et l’automobile -, ce commissaire-priseur et ancien pilote automobile demande à son ami Alexander
Calder, sculpteur et peintre américain, de peindre la BMW 3.0 CSL qui allait participer aux 24H du Mans. A travers cette course, il offre un merveilleux cadeau au public qu’il initie, à sa manière, à l’art contemporain. L’artiste américain n’utilisa que des couleurs primaires et les répartit en larges bandes sur la peinture de la BMW. L’utilisation de couleurs distinctes dans les différents éléments de la structure de la voiture renforça ainsi l’illusion de mouvement dans l’ensemble de l’image. La première BMW Art Car au monde fut également l’une des dernières œuvres d’art de Calder, qui mourut peu
de temps après. La Art Car ne gagna pas la course mais elle fut la première d’une longue série, qui confirmera le
lien entre la marque et l’art. Par la suite, plusieurs artistes se succèdent pour libérer leur créativité sur les carrosseries des BMW : Roy Lichtenstein, Frank Stella, Andy Warhol, Jeff Koons… ou récemment, John Baldessari, Cao Fei.
Aujourd’hui, Alexander S.C. Rower, petit-fils du peintre et président de la fondation Calder, en association avec BMW, réalise le souhait de donner vie à sa propre BMW Art Car Calder en réalisant sa réplique identique (Artist’s Proof), notamment pour célébrer les cinquante ans de la BMW3.0 CSL. L’équipe, Hervé Poulain – Jochen Neerpasch, fondateur de BMW Motorsport et ancien pilote automobile, engagé dès le début dans le projet de l’Art Car, ainsi que Walter Maurer, qui géra l’aspect technique de la peinture en 1975 – se reforme pour réaliser l’Artist’s Proof. Celle-ci fut présentée à l’occasion du vernissage de “Alexander Calder : Minimal/Maximal” à la Neue Nationalgalerie de Berlin le 22 août 2021.
Art car : Inspirations
Les BMW Art Cars ont-elles inspiré d’autres marques, d’autres artistes ? Très certainement et pas que des peintres ! C’est ainsi que le chef cuisinier italien Massimo Bottura, propriétaire du restaurant étoilé Osteria Francesca, à Modène, a utilisé une Maserati comme support de sa créativité. Quelle relation entre la cuisine et la voiture ? La passion ! Et pas des moindres…
En effet, Massimo Bottura aime l’automobile, comme il aime la gastronomie. Il aime Maserati, sa sonorité, son savoir-faire, sa résilience et sa couleur si particulière, notamment le bleu de certains modèles (Blu Corsa – le bleu de course qui a fait de Maserati une légende).
Ayant grandi dans la Motor Valley, il aimait conduire, à travers la campagne, dans des voitures anciennes, avec ses frères aînés. À la fin de ces journées d’aventure, la carrosserie était couverte d’éclaboussures de boue, ou de « cicatrices de course », comme il les nomme affectueusement. A ses yeux, la vie est très similaire à ces stigmates, dans la mesure où chacun d’entre nous est le protagoniste d’une aventure : “nous sommes transformés par nos expériences, façonnés par nos rencontres, modelés par nos victoires et nos défaites et contaminés par la colorimétrie de la culture. Finalement, tout en restant nous-mêmes, nous sommes devenus des êtres différents”.
Afin de confirmer cette pensée, à l’issue de ces courses tout-terrain, Massimo Bottura prenait l’habitude de ne pas nettoyer pendant des jours les éclaboussures de sa voiture
Programme de personnalisation
Quand la marque Trident lui proposa un partenariat pour présenter la Fuoriserie Maserati, le chef étoilé – originaire de Modène, comme la marque – n’a pas hésité une minute. En développant un programme de personnalisation de ses modèles (notamment Ghibli, Quattroporte, Levante et MC20) à ses clients, Maserati présente une feuille blanche sur laquelle la créativité de chacun peut s’exprimer. Le nec plus ultra du luxe où l’on possède son propre modèle, son propre style, sa propre identité !
Massimo Bottura a donc évidemment retranscrit son souvenir d’enfance, sur sa Levante Trofeo qui, malgré ses quatre roues motrices et ses 580 CV, ne représente pas une voiture de luxe comme les autres, parfaitement polies et brillantes, mais une voiture tout terrain capable de rouler dans de la boue. Cette boue dont les stries autour des roues représentent la vitesse, il la transforme en explosion de couleurs vives, multicolores, éclatantes ! Il voit le monde comme un kaléidoscope qui mute à
mesure qu’il évolue. La fluidité de la couleur, le sens du mouvement et la rapidité reflètent ce qu’il est et comment il voit le monde. C’est une façon de montrer comment il résout les problèmes et comment il cuisine. Cette voiture est une expression de soi poussée à un autre niveau. Comme un tatouage que tout le monde peut voir. Cette voiture… c’est la Levante Trofeo Fuoriserie Edition for Massimo Bottura qui a pu être présentée à Motor Valley Fest, en juillet 2021, à Modène.
La voiture est considérée comme un vêtement, à porter fièrement sur les routes du monde, dans un geste d’expression personnelle, et comme un symbole du concept de luxe contemporain : la faculté d’être ouvert à l’expérience, sensible à la beauté et prêt à découvrir sa véritable identité à travers les rencontres avec les autres au cours du voyage de la vie.
Mode et automobile
Vêtement, symbole d’une personnalité, la voiture va même s’exposer pendant la Fashion Week ! Arthur Kar, fondateur de “l’Art De l’Automobile”, associe habilement la mode et l’automobile. Né à Beyrouth et élevé à Paris, il passe une grande
partie de son enfance dans l’atelier automobile de son père où il découvre sa passion pour les voitures de sport – et plus particulièrement pour les Porsche. C’est à 16 ans qu’un centre Porsche français l’embauche en tant que mécatronicien. Il se spécialise rapidement dans les voitures de sport emblématiques. Son rêve ? Posséder sa propre Porsche. Pour arriver à ses fins, Kar crée son entreprise, qui remet en état des véhicules et les vend à des clients du monde entier. Il achète ainsi une Porsche Carrera GT alors qu’il était encore jeune. Amoureux des belles voitures et passionné de mode sreetwear, il
fonde en 2017 le label de mode L’Art De L’Automobile, combinant ses deux passions : vêtements et voitures. En 2021, après 18 mois de travail, il réalise le rêve de toute une vie en collaboration avec sa marque automobile fétiche : redessiner entièrement une Porsche 968. L’Art Car porte le nom de « 968 L’Art » et incarne l’ambition de Kar de transposer la vision de l’art dans le monde de l’automobile.
Le style de ce concept convient à un usage quotidien et s’accorde avec l’esprit streetwear que Kar affectionne tant. Le design de l’Art Car s’inspire du look rétro du début des années 1990, tout en y mêlant une touche de modernité. Le toit de la voiture a été retiré, le transformant en roadster.
Kar et son équipe ont développé une nuance de vert spécialement pour le projet. Les feux arrière ont été entièrement redessinés et portent l’inscription “Kar”. Les partenaires de Porsche – TAG Heuer, Recaro et Bose – ont participé également au projet et développé des produits inédits pour l’intérieur de ce concept. Parmi eux, un chronomètre TAG Heuer unique, créé pour l’Art Car, est installé sur le tableau de bord. Les sièges baquets sur mesure Recaro ont aussi été personnalisés et sont recouverts d’un cuir Ecco EL3. Bose a également contribué au projet en équipant la 968 L’Art d’un système audio sur mesure et unique, avec notamment une disposition innovante des haut-parleurs et une grille au design élégant.
Ce n’est pas la première fois que des artistes utilisent des Porsche pour s’exprimer. A l’exemple de l’artiste sud-africain Nelson Makamo, avec la Porsche 911 Carrera Coupé, ou encore Richard Philips, avec la Porsche Taycan, qui fut vendue aux enchères 200 000 $ pour des œuvres de charité.
L’automobile devient-elle une toile blanche pour artiste en recherche de mouvement ? Il est évident que voir une œuvre d’art
évoluer selon la vitesse, les lignes stylistiques du support, l’éclairage, la route… peut modifier tout son sens initial et traduire tous les messages que veut transmettre l’artiste. Finalement, l’automobile est entrée depuis longtemps dans “l’Art-Motion”