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Cognac Blues Passions 2023 : de Jonasz à Buddy Guy

Cognac Blues Passions 2023 : de Jonasz à Buddy Guy

L’ouverture officielle de cette 30ème édition est effectuée par son directeur Michel Rolland qui accueille à Jarnac l’un des plus célèbres auteur-compositeur-interprète Français, Michel Jonasz. Accompagné des fidèles Jean-Yves d’Angelo et Manu Katché, le Parisien rend hommage au blues et lance les hostilités d’un festival fort en émotions.

Le mercredi 5 juillet pendant que Julianne Joe et Rose Tiger présentent leurs belles compositions dans les rues de la ville, Nico Wayne Toussaint ouvre le bal au château. Mettant partiellement son harmonica de côté, l’artiste propose un blues-roots sobrement accompagné d’une guitare (dont une datant de 1931). L’endroit est insolite et la prestation très sympathique. En fin d’après-midi, le Néérlandais Markus K accueille le public dans les jardins de Cognac. Le contraste sera saisissant une heure plus tard lorsque The Cinelli Brothers investissent la scène Experience. L’harmoniciste/guitariste Tom Julian Jones et le bassiste Stephen Giry donnent le top-départ d’une soirée rythmée et festive. Des reprises de Ry Cooder ou JJ Cale mais également des extraits du dernier album « Deep Down Evil » confirment que les frères Marco et Alessandro méritent leurs nombreuses nominations et victoires dans les cérémonies Anglaises consacrées au blues. Leur prestation au stand « Rolling Stone » tenu (entre autres) par l’excellent Xavier Bonnet sera également remarquée.

Direction la scène Blues Paradise où le vainqueur du prix de l’an dernier s’apprête à performer : Vicious Steel Fuel Band. Toujours revêtus de leur bleus de travail, Cyril et ses musiciens enjouent la foule de riffs de guitares sympathiques et des solos d’harmonica de Mathieu Pequeriau. Ça sent l’Amérique et le gasoil avant l’arrivée des vedettes du soir : Placebo. Bientôt 30 ans d’existence pour la bande à Brian Molko qui a vu gonfler son succès aussi vite que son hubris. Les conditions pour la presse sont drastiques et le public est prévenu que si le chanteur voit un seul appareil photo dans la foule, il quitte la scène… Côté spectacle, le boulot va être millimétré tout comme les rares interventions de Brian et Stefan Olsdal, seuls survivants du combo d’origine. Les autres musiciens présents font figuration et n’ont visiblement pas le droit de franchir le fond de scène sous peine d’exclusion. Côté set, « Infra Red » restera un moment clé. A signaler quelques longueurs sur les nouveautés mais « Surrounded By Spies » et « Fix Yourself » sont de très bons extraits de « Never Let Me Go » sorti en 2022. Le groupe Placebo interprète deux reprises majeures durant le rappel : « Shout » de Tears For Fears et « Running Up That Hill » de Kate Bush qu’ils jouent depuis 20 ans. Pour finir la soirée, Big Dez Chicago et son invitée font revenir Cognac aux fondamentaux : le blues. L’avantage de jouer avec le leader Phil Fernandez est qu’on ne risque rien en cas de bagarre ! Le Parisien fait évoluer son groupe qui a produit 9 albums avec des influences rock n’roll/stoner mêlées à des bases Afro-Américaines très plaisantes.

AUSTRALIE, CUBA ET VIE SUR MARS

Le lendemain c’est l’Australien William Crighton qui groove seul au château et MC Solaar dans une version Big Band Project qui est la tête d’affiche. Le premier va devenir une révélation en présentant deux sets similaires à un jour d’intervalle tantôt en solo acoustique, tantôt en trio électrique. Le barbu de deux mètres nous gratifie d’une rencontre incroyable à l’espace presse. Concernant le second, j’avoue avoir été sceptique sur le projet initial revisitant les tubes de Solaar en Big Band. En réalité, ses classiques sont réorchestrés avec brio sous la direction d’Issam Krimi sans jamais dénaturer l’œuvre initiale. Les 4 choristes qui accompagnent l’artiste, apportent un réel souffle aux compositions de Claude M’Barali, la version de « Solaar Pleure » en rappel est d’une puissance incroyable. La choriste Linda qui danse sur « Inch’Allah » et chante « Caroline » sort son épingle du jeu. Un rappeur très sympa qui durant l’interview de France Bleu dans l’après-midi sera en direct avec Bertignac par festivals interposés.

MC Solar en concert

Entre ces 2 artistes diamétralement opposés, la Française Julianne Joe a envouté en solo le public avec sa voix qui rappelle Dolores O’Riordan des Cranberries. Son équivalent masculin s’appelle Quintana Dead Blues Experience, un Bordelais qui dépoussière avec sa groovebox Roland MC909 et sa guitare électrique les cages à miel ! Une forte impression auprès des Cognaçais en ville. Dans la même veine, Guilty Delight met en avant la puissance de ces 3 chanteuses prouvant qu’Orel et Rémi savent s’entourer pour défendre « Relax » et « Lose Control », leurs deux albums auto-produits à l’influence soûl.

Direction Cuba avec Ibeyi qui transporte le public durant 1h15, la récente tournée Américaine semble avoir été bénéfique pour Lisa et Naomi qui fusionnent rythmes Africains, hip-hop et folk.

Electric Lady Land

Vendredi 7 juillet est également une journée qui marquera l’esprit des festivaliers. Outre une nouvelle performance du remarquable William Crighton, Théo Charaf et Imany sont les artistes qui se produisent au château et au 1715. Malheureusement nous n’avons pas eu accès au concert de la diva qui jouait accompagnée de violoncelles. L’Américain Jerron « Blind Boy » Paxton apparaît sous une chaleur écrasante sur la scène Tonic Day. Le trentenaire alterne guitare, banjo et harmonica et fait voyager d’un siècle en arrière les spectateurs qui retrouvent les origines du blues. Pour une première en France, le dandy passe du Michigan à l’Alabama sous de nombreux applaudissements. Avant la vedette du soir, un collectif Franco-Italien 100% féminin va ravir les fans de Hendrix : Electric Lady Land. Sous la houlette de la virtuose Nina Attal, les hits du natif de Seattle sont revisités avec classe. Outre la qualité musicale indéniable, les spectateurs auront remarqué le charme de ces musiciennes dont Antonella Mazza est le fer de lance ! Autant dire que les photographes présents dans le crash ont chaud…

 

 

 

De 22h30 à minuit, un artiste Français devenu une référence va mettre tout le monde en harmonie : Mathieu Chedid. Dans sa botte secrète, M a un nouvel atout qui s’appelle Gail Ann Dorsey. De « Onde Sensuelle » à « Life On Mars » en passant par une reprise de Joe Dassin, l’ancienne bassiste de Bowie illumine une scène au décor sublime. « Manitoumani » est grandiose, « Machistador » transforme les jardins en discothèque (aérienne) et M effectue une traversée du public pour saluer les spectateurs PMR. Humainement et musicalement, le fils de Louis (à qui il rend hommage en utilisant un vieux tourne-disques) est top. Il quitte la scène en remerciant Michel Rolland, créateur du festival 30 ans plus tôt. Pour clôturer cette belle journée, les Français de Lucky Pepper vont produire un swang blues rock n’roll endiablé et présenter l’intégralité de leur nouvel opus « Easier Said Than Done » qui sera disponible en octobre 2023 et dont le premier single est éponyme. Geoffrey, Julien, Remi et JP parlent de voyages et d’amour pour ravir les festivaliers couche-tard.

BUDDY GUY : UNE ÉMOTION INCROYABLE

Le samedi 8 juillet s’annonce fameux, ce fut le cas ! Une belle et chaude journée comme le public (les) aime, trouvant des excuses pour goûter le Cognac local ou s’abreuver d’une bonne bière ! L’ultime étape des concerts programmés avec des stars internationales va être à la hauteur des espérances d’un 30ème anniversaire, mémorable. Jerron Paxton revient en intimité au château puis Mister Tchang & Bluz Explosion lance les hostilités au jardin. Lauréat du prix Cognac Blues Passion 2023, Sam et son quartet expriment leurs compositions qui transpirent Otis Rush et Buddy Guy avec ferveur. Le virtuose de la guitare rend hommage à ses pairs et Sylvain au saxophone n’est pas étranger à la qualité de la prestation. Dans un registre plus posé mais totalement maîtrisé, Mig et Loretta de Tiger Rose racontent leurs vies devenues passion musicale. « Big Talking Man » en est le plus bel exemple. Guitare et contrebasse transportent les spectateurs sur les bords du Mississippi pour découvrir des extraits de « It’s Gonna Get Wild », leur deuxième album. Il est utile de rappeler que Mig est loin d’être à son coup d’essai au Cognac Blues Passions !

L’une des révélations de cette édition s’appelle Robert Finley. Ancien électricien, celui qui acheta sa première guitare à 11 ans en lieu et place d’une paire de chaussures va magnifier la scène Experience. Épaulé par sa fille, le presque septuagénaire déficient visuel est un soulman incroyable. Une voix profonde qui s’approche du baryton magnétise une assistance qui n’en demandait pas tant. L’homme au chapeau US est sans aucun doute celui qu’il ne fallait pas rater !

Buddy Guy

De 20h30 à 21h45, l’instant fut magique. L’émotion est à son comble lorsque Buddy Guy, 86 ans, entre en scène. Classieux dans une belle chemise noire à pois blancs, le dernier grand bluesman vivant va faire vibrer 8000 spectateurs et pleurer votre serviteur. Sans fanitude particulière, le spectacle devient un recueillement. L’intensité, l’humour et la qualité musicale du personnage prennent directement aux tripes et le contre-coup est difficile. De Willie Dixon à John Lee Hooker (« Boom Boom ») en passant par Hendrix, Eddie Cooley et Albert King, Buddy charme son auditoire, parle de BB King et fait rire en prenant des postures langoureuses avec son instrument. Un moment hors norme qui se vit et se raconte difficilement, croiser son regard restera un instant éternel.

Chris Isaak

Dans la foulée, le rarissime Chris Isaak va enchanter Cognac et se payer un tour en fosse à faire transpirer la sécurité (dont le professionnalisme et la sympathie sont à souligner). A 67 ans, l’Américain va ravir ces dames (extraordinaire « Wicked Game ») et effectuer quelques reprises de belle facture (Roy Orbinson et Elvis Presley). Alternant devant de scène en acoustique et show plus rockabilly, le créateur de « Blue Hotel » terminera son set dans une tenue scintillante en reprenant du James Brown. Une montée en puissance tout au long de la journée pour finir avec une bombe rock n’roll : Ayron Jones. J’ai eu la chance de le voir dans un club pour sa tournée précédente et ce dernier m’avait subjugué… autant dire qu’à Cognac le fan de Nirvana et de Rage Against The Machine va en prendre plein les mirettes ! Le quatuor est incroyable, du bassiste/kangourou sautillant au guitariste classieux en passant par l’imposant batteur, ce groupe déchire en live pour présenter leur troisième album « Chronicles Of The Kid ». Dans la même veine que « Child Of The State », Ayron emporte le public tel un tsunami. Le tremblement de terre cachant le raz de marée ! Cet homme tient dans ses mains la relève du rock et la ressemblance vocale avec Lenny Kravitz paraît évidente. Souhaitons-lui la même carrière.

BON ANNIVERSAIRE ! VIVEMENT 2024 !

Le dernier jour du festival est gratuit et dédié aux musiciens qui souhaitent jouer sur la grande scène après une inscription via une application dédiée. Les curieux reconnaîtront un sosie de Flea des Red Hot Chili Peppers qui coupe le gâteau géant des 30 ans porté par le Co-directeur de Belle Factory, Samuel Vincent. L’occasion de remercier les organisateurs de ce superbe rendez-vous annuel (merci Aude), la responsable relation presse (Charlotte) et tous les bénévoles. Eugène de Rastignac ferme définitivement l’édition 2023 et les spectateurs repartent avec des étoiles plein les yeux en imaginant les futurs noms de la 31ème édition. Une certitude : Mister Tchang sera au rendez-vous !

Texte : Diego OnTheRocks
Photos : Patrick Koune