Du 2 au 26 février 2023, la Galerie Hors-Cadre accueille l’exposition personnelle de Mathieu Chavaren, l’artiste invite le spectateur à réapprendre à voir au-delà de l’œuvre, grâce à un mouvement transitoire appelé « Laisser Place ». Ce mouvement, rendu possible par le dialogue de deux styles opposés, réunit des forces qui parfois s’équilibrent ou se contrecarrent : un questionnement qui est là pour véritablement « laisser place » et Mathieu y répond en proposant une installation performance qui permettra d’établir une communication à long terme.
« Changer l’état du monde »
« L’ouverture est le où qui a lieu d’être. »1 Ces mots s’entremêlent comme une énigme pour former l’horizon de l’exposition de Mathieu Chavaren intitulée « Laisser place ». Cette citation vient du philosophe Henri Maldini. Elle évoque l’ouverture de nouvelles possibilités pour construire les espaces de la vérité et de l’existence. Le travail de Mathieu Chavaren s’inscrit dans cette dimension en interrogeant le monde tel qu’il est. La vie en danger sur Terre, les rythmes de croissance, les langages de création : trois directions qui tissent l’observation, invitent à la contemplation et inventent l’action.
Ce mouvement est planté à l’entrée de l’exposition comme un manifeste sous la forme d’un pied de tomate Zebra Green. Ces tomates à la chair vert émeraude interrogent l’asymétrie catastrophique entre l’homme et l’environnement dans la société moderne. L’impératif est de réinventer. Mathieu Chavaren s’est inspiré du travail de Philippe Descola2.
Lors de son séjour dans la forêt amazonienne des Indiens Achuar, l’anthropologue français a étudié la relation vivante et fructueuse que les humains entretiennent avec les non-humains (qu’ils soient végétaux, minéraux, animaux, etc.). Comme ces Indiens, Mathieu Chavaren nous invite à entrer dans une relation d’égalité avec les autres êtres vivants. En l’occurrence : le plant de tomates, Laisser-place « plan de tomate », 2022. Il suggère la formation d’une constellation de personnes qui, au fil des saisons et des ans, réapprennent et renouvellent leurs relations avec les plantes et les non-humains : animaux, minéraux, éléments de matière (eau, terre, air, feu).
Le projet s’apparente à de la « sculpture sociale », comme l’a théorisé le plasticien Joseph Beuys3 dans les années 1970. « Tout homme est un être créatif, tout humain est un être créatif, il peut donc en sortir quelque chose qui peut changer l’état du monde », a-t-il déclaré. Imprimer une action dans la matière est un processus sculptural de transformation. C’est pourquoi la culture et l’entretien d’un plant de tomate est une sculpture qui change certainement le monde, car elle change un état d’esprit. Cette transformation est un processus vivant et vital sans lequel l’existence sur Terre est menacée.
Plusieurs tableaux de Chavaren accompagnent cette sculpture botanique. Ces travaux proviennent de deux sources principales. Les corps agencés et imbriqués façon puzzle constituent sa « langue extérieure », tandis que les lignes et les mots sans cesse croissants constituent sa « langue intérieure ». Ces relations intimes et extimes sont comme des pensées en action, dans lesquelles le vide et le plein se façonnent et s’attirent. Comme l’a écrit François Cheng4, ces ondes et correspondances sont cousines du langage pictural chinois où l’art rencontre la vie.
« Peindre un paysage, c’est peindre le portrait de l’homme ; non plus le portrait d’une personne isolée, coupée de tout, mais d’un être en relation avec les mouvements fondamentaux de l’univers ». Ces mouvements rétablissent largement le lien entre l’homme et l’univers, l’homme et l’environnement. L’atelier de Mathieu Chavaren est un laboratoire pour cela. L’atelier est jardin et le jardin est atelier. Les poules, les lapins, les ânes, les tomates… coexistent avec le peintre, apportant leurs rythmes, leur génome, leur intériorité au même titre que ceux de l’artiste et ses toiles. Tout le monde y habite. Un monde d’êtres et de tableaux, où tout est en complémentarités et en contrastes, en nuances de noir et de blanc, en envols et valeurs accumulées, dans l’union de lin, de feuilles et de fruits, de blanc, de plumes et de poils, d’encre et de fusain…
A propos de Mathieu Chavaren
Mathieu Chavaren est né à Moissac en 1990 et vit et travaille au Pays Basque. Inspiré par des artistes tels que Joseph Beuys et Henri Michaux, l’œuvre de Mathieu Chavaren propose une nouvelle manière de lecture. « Mes peintures deviennent autant de fenêtres qui s’ouvrent sur l’Absolu, qui nous ramènent à notre condition humaine et nous invite à réfléchir. Chacun de nous est invité à formuler ses propres interprétations selon sa position et son regard. Autrement dit, chacun doit pouvoir y voir sa propre image. »
A propos de la Galerie Hors-Cadre
Hors-cadre a été fondée en 2018 par Manon Sailly pour accompagner la jeune scène française avec un modèle nomade différent. En substituant la symbolique du « lieu » par un modèle ouvert, flexible et collaboratif, l’accent est mis sur la proximité avec les talents émergents représentés par la galerie, qui s’est déclarée entité pionnière lors de son inauguration en 2018. Hors-cadre s’appuie sur les réflexions et observations acquises par l’expérience professionnelle de sa fondatrice sur le marché de l’art, elle organise des expositions de courte durée, entre dix jours et trois semaines, dans un lieu singulier ou une galerie, et participe régulièrement à des salons tels que « Art Paris » depuis deux ans. En combinant les pratiques classiques de la création d’expositions, et en même temps offrant la possibilité de visiter des ateliers, permettant aux amateurs et collectionneurs de découvrir le monde des artistes, Hors-Cadre se connecte d’une manière différente et établit son statut très particulier au sein de l’écosystème des galeries parisiennes.
Infos pratiques
Exposition Mathieu Chavaren « Laisser Place »
du 2 au 26 février 2023 – Galerie Hors-Cadra – 8 rue Chapon 75003 Paris
André Tirlet
1. Henri Maldiney, « Ouvrir le rien. L’Art nu », éd. Encore Marine, 2002.
2. Philippe Descola, « Par-delà nature et culture », éd. Gallimard, 2005.
3. Joseph Beuys, « Par la présente, je n’appartiens plus à l’art », éd. L’Arche, 1988.
4. François Cheng, « Vide et Plein. Le langage pictural chinois », Seuil, coll. Points, 1991.