Pour la première fois en France, l’exposition « Saodat Ismaïlova. Double Horizon », organisée conjointement par Le Fresnoy – Studio national des Arts contemporains et le Centre Pompidou, est consacrée à une artiste ouzbek majeure, du 10 février au 30 avril 2023 et présentée à Le Fresnoy – Studio national des Arts contemporains à Tourcoing.
Saodat Ismaïlova a développé une œuvre cinématographique unique qui embrasse l’histoire et le mythe dans un geste. Elle embrasse la grande tradition du cinéma d’observation pour établir un nouveau langage qui cherche à expliquer les cultures et les croyances enfouies devenues invisibles par la table rase du 20e siècle. « Saodat Ismaïlova. Double Horizon », première exposition consacrée à l’artiste ouzbek en France, rassemble un riche réseau de dialogues artistiques d’Asie centrale et d’ailleurs autour de ses œuvres majeures.
Les recherches visuelles et sonores de Saodat Ismaïlova pénètrent des fragments d’histoires, des réalités sociales cachées. Son travail interroge une mémoire clivante dans laquelle se superposent croyances ancestrales et empreintes de la domination russe et soviétique. L’atrocité de la condition féminine, le déclin des ressources naturelles, les mystères tenaces de la vie, la pratique de la magie et la nostalgie de l’Absolu lient autant de fils de son éblouissante écriture cinématographique conçue dans un savoir ancestral, souvent invisible et passant encore aujourd’hui d’une génération à l’autre.
L’exposition présente six des plus grandes œuvres de l’artiste : Zukhra (2013), The Letters (2014-2017), Stains of Oxus (2016), Two Horizons (2017), The Haunted (2018) et Chillahona (2022), récemment créée pour la 59e Biennale de Venise, et également un espace de laboratoire où l’on peut découvrir son work in progress. A partir de cet ensemble, le chemin se ramifie en diverses rencontres artistiques accompagnant la pensée d’Ismaïlova, réunissant des pièces majeures de Chingiz Aidarov, Vyacheslav Akhunov, Andrius Arutiunian, Maja Bajevic, Joseph Beuys, Mona Hatoum, Babur Ismailov, Gulnara Kasmalieva, Rustam Khalfin, Sergey Maslov, Henri Michaux, Deimantas Narkevicius, Sara Ouhaddou, Zineb Sedira, Fiona Tan, Yelena et Viktor Vorobyev. Certaines sont vues en Europe pour la première fois.
A propos de Saodat Ismaïlova
Saodat Ismaïlova, née à Tacht en 1981, a suivi une formation cinématographique et télévisuelle à l’Institut National des Arts de Tachkent, berceau ancestral des traditions russes de l’ère soviétique. L’exploration des différentes cultures qui ont façonné l’Asie centrale est au cœur de sa pratique depuis la réalisation de ses premiers courts métrages au milieu des années 2000. Elle s’intéresse particulièrement aux pratiques rituelles de la musique et de la danse, mais aussi aux modifications du paysage par cette exploitation minière intensive et cette industrie lourde tout au long du 20e siècle. Incorporant progressivement des objets physiques, son travail est le résultat de recherches de terrain sur les traditions vernaculaires qui ont survécu à la domination soviétique.
En 2013, elle a représenté l’Asie centrale à la Biennale de Venise avec son œuvre vidéo Zukhra, centrée sur la mythologie entourant la planète Vénus. L’artiste trouve ici le premier nœud de la combinaison de l’intime, de la mythologie collective intime et de la macro-histoire. L’œuvre semble ausculter le subconscient onirique d’une jeune fille endormie : elle témoigne des études oniriques qu’Ismailova a recueillies auprès des communautés rurales.
En 2018, l’artiste est diplômée du Fresnoy – Studio national, où elle crée deux installations aux projections multiples : Stains of Oxus (2016) dépeint le fleuve Amou-Darya traversant l’Asie centrale du Pamir à la mer d’Aral, tandis que Two Horizons (2017) relie la station spatiale de Baïkonour en Russie aux premiers chamans qui habitaient autrefois le même site. La série photographique The Letters (2014-2017) et le film The Haunted (2018), récemment entrés dans la collection du Centre Pompidou, illustrent subtilement l’idée que la mémoire chiffrée est menacée d’extinction, entre la réécriture constante des langues d’Asie centrale et l’image totémique du tigre de la Caspienne, autrefois une espèce sacrée qui n’a pas résisté à l’utilisation intensive des terres.
En 2022, elle participe à la Biennale de Venise et à la Documenta de Kassel, et se voit remettre le Eye Prize pour le Eye Film Museum d’Amsterdam.
Les artistes
Saodat Ismaïlova avec Chingiz Aidarov, Vyacheslav Akhunov, Andrius Arutiunian, Maja Bajevic, Joseph Beuys, Muratbek Djumaliev & Gulnara Kasmalieva, Mona Hatoum, Rustam Khalfin, Sergey Maslov, Henri Michaux, Deimantas Narkevicius, Sara Ouhaddou, Fiona Tan, Zineb Sedira et Viktor Vorobyev.
Avec des prêts exceptionnels du M HKA, Musée d’Art Contemporain d’Anvers, pour les œuvres de Rustam Khalfin et Sergey Maslov.
Le commissariat
Marcella Lista, conservatrice en chef, collection Nouveaux Médias, Musée national d’art moderne – Centre Pompidou Paris et Pascale Pronnier, responsable des programmations artistiques au Fresnoy – Studio national des Arts contemporains.
Infos pratiques
« Saodat Ismaïlova. Double horizon » – Exposition du 10 février au 30 avril 2023
Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains / 22 rue du Fresnoy 59200 Tourcoing / www.lefresnoy.net
Ema Lynnx
Crédits images :
1/ Saodat Ismailova, Zukhra, 2013, Courtesy of the artist
2/ Saodat Ismailova, The Letters. Abdulaziz 1904, 2014-2019, Courtesy of the artist
3/ Saodat Ismailova, Two Horizons, 2017, production Le Fresnoy – Studio national
4/ Maja Bajevic, Women at Work (Under construction), 1999, ADAGP