Cette jeune céramiste façonne des services pour les meilleurs restaurants parisiens. C’est dans son petit atelier bourguignon qu’elle imagine et crée des pièces uniques à la beauté singulière.
L’atelier de Judith Lasry, céramiste de 27 ans, est niché dans le joli domaine boisé du château de Saint-Amanden-Puisaye (Bourgogne) qui abrite d’ailleurs un musée de la céramique, activité qui fait la renommée de la ville et des environs. C’est ici que Judith Lasry vit et crée ses pièces. Chaque bol, chaque assiette est différente. “Je ne travaille pas avec un tour de potier comme c’est souvent le cas. J’utilise une technique différente que l’on appelle le pincé. D’abord parce que lorsque j’ai commencé la poterie, je n’avais pas les moyens d’acheter un tour mais surtout parce que j’adore manipuler la terre à la manière d’un sculpteur. J’aime les formes libres et vivantes.” Ainsi, chacune de ses pièces est unique. C’est lorsqu’elle passe son diplôme à l’école Boulle (Paris), l’école supérieure des arts appliqués, que la jeune femme expérimente pour la première fois la poterie à titre professionnel avant de s’y consacrer pleinement à partir de 2016. Mais la jeune femme n’en est pas à son coup d’essai, cette passion remonte à loin. “Nous avons une maison de famille dans le petit village de Pesselières, en Bourgogne. Mes premières pièces remontent à l’enfance. Ma mère m’emmenait chez Solargile acheter de la terre et petite, je m’amusais déjà à créer des pots, des tasses.” Aujourd’hui, la jeune céramiste continue d’acheter sa terre chez ce fournisseur qui s’approvisionne essentiellement auprès de carrières locales. Judith travaille surtout le grès, une terre très solide si on la cuit à haute température. “Je fabrique des pièces utilitaires et j’aime l’idée que rien qu’à la cuisson, même sans émail, elles deviennent perméables.” La création d’une pièce nécessite plusieurs étapes importantes. La céramiste, toujours affublée d’un joli chignon positionné sur le sommet du crâne, commence d’abord par préparer la terre qu’elle bat et mélange vigoureusement pour en retirer les bulles d’air. Vient ensuite l’étape du modelage puis Judith laisse sécher un petit peu la terre avant de faire éventuellement quelques retouches. “À ce stade, j’ai l’impression de travailler du cuir.” Puis elle laisse sécher ces pâtons sculptés au moins une semaine mais le temps de séchage peut doubler voire tripler selon la taille des pièces. La vaisselle est ensuite cuite une première fois à 980°C avant d’être émaillée. La jeune femme crée tous ces émaux elle-même. Dernièrement, elle s’est essayée à des émaux à base d’eau et de cendres des sarments de vigne d’Athénaïs de Béru, vigneronne dans le Chablis. “Je verse l’émail à la louche puis je remets mes pièces au four pour une deuxième cuisson, à 1 300°C cette fois.” Une fois refroidies, les pièces sont prêtes à être vendues. Judith Lasry travaille essentiellement avec des cuisiniers, Taku Sekine, Yannick Alléno, Pierre Touitou et Moko Hirayama pour ne citer qu’eux. Les chefs savent qu’en s’adressant à Judith, personne n’aura le même service qu’eux. “Je suis toujours émue lorsque je livre mes pièces car c’est comme un bébé. J’aime retourner ensuite dans les établissements et voir comment les chefs s’approprient mon travail, comment mon assiette se porte avec ses nouveaux parents. Souvent je me dis que mes assiettes ont bien de la chance de côtoyer ce
beau ragoût de pâtes…”