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Les sabres japonais, une collection qui tranche

Les sabres japonais, une collection qui tranche

L’attrait pour les sabres japonais n’a rien de banal. Armes autant qu’oeuvres d’art, ces lames longues ou courtes sont tout à la fois l’expression d’un esprit martial et un symbole statutaire.

Tranchantes à l’extrême, fascinantes en raison de leur complexe processus de fabrication, elles concentrent la passion de celles et ceux dont l’esprit artistique est avide d’absolu.

Dans cet univers très particulier des collectionneurs de sabres japonais, il existe plusieurs tendances, dont deux se détachent avec comme finalité pour les deux de posséder des lames d’exception. Mais avant de se pencher sur ces deux axes de collection, il est bon e revenir un instant sur l’histoire et la fabrication de ces objets d’art autant qu’armes blanches.

Des sabres japonais, les Européens connaissent essentiellement les Katanas. Ces lames dont la taille varie entre 62 cm (longueur de Nagassa, autrement dit, de tranchant) et près de 80 cm, sont apparues assez tardivement dans l’histoire des armes blanches élaborées au Pays du Soleil Levant. Les premiers sabres à avoir vu le jour seraient apparus à la période Heian (794-1099). Appelés Tachi, ils étaient longs, incurvés (de plus en plus avec le temps), pensés pour être utilisés à cheval et se portaient avec le tranchant vers le sol. Aujourd’hui, très rares parce que souvent raccourcis à la période Muromashi (après 1392), Edo (à partir de 1610), Meiji (à partir de 1868) ou durant la seconde guerre mondiale pour être montés au format des lames d’officiers supérieurs, ils sont souvent très anciens et, par conséquent, sont recherchés par les puristes en quête d’objets d’art ayant une longue histoire. A partir de la période Muromashi, le Katana, porté tranchant vers le haut à la ceinture du hakama, et le wakisashi s’imposent.
Ce sont ces lames qui sont aujourd’hui les plus courantes et qui s’achètent souvent en paire (Daisho) pour avoir des garnitures assorties (fushi, kashira, tsuba, saya).

Entamer une collection

Avant de se pencher sur les méthodes d’appréciation d’une lame et comment les choisir, il faut indiquer en premier lieu qu’il existe, comme pour Rolex, un nombre
important de faux depuis l’arrivée sur le marché de pièces chinoises ou vietnamiennes de plus ou moins bonne qualité. Certains sont vendus comme de vrais Nihonto (sabres japonais) par des sociétés du Web qui, pour tromper les néophytes, proposent également parfois quelques sabres anciens. Il faudra donc aux débutants bien s’informer. Dans un premier temps, il sera préférable d’aller visiter un professionnel tenant boutique. Il en existe souvent au moins un dans chaque grande capitale. Cela donnera l’occasion d’apprécier les lames sur place et d’avoir un interlocuteur sérieux à même de répondre à toutes les interrogations. Les Européens apprécient les lames longues parce qu’elles leur donnent l’impression de pouvoir être utilisées. Cependant, elles sont de plus en plus coûteuses et il est préférable de les garder comme objets de décoration car on ne s’improvise pas spécialiste de la coupe. Et ceux qui voudraient devenir des apprentis samouraïs s’entraîneront avec un maître en utilisant des sabres
modernes fabriqués dans les règles de l’art. Car ces armes, si elles sont mal réalisées, peuvent se révéler très dangereuses pour les utilisateurs (blessures aux mains) ou les observateurs (lames volantes).

Les pratiquants de Kendo ou d’aïkido ayant une bonne maîtrise de leur art, comme les collectionneurs voulant des produits parfaits, pourront se pencher sur les lames
proposées par les forgerons japonais contemporains. Ces katanas, appelés Shinken, sont souvent d’une qualité exceptionnelle et peuvent se trouver pour des prix sensiblement identiques à ceux de pièces anciennes (entre 5 000 et 25 000 euros ou plus, selon le forgeron ou le produit). Forgées de façon traditionnelle ou parfois de façon plus contemporaine (martinet de forge plutôt qu’apprentis dévoués), ces armes sont souvent réalisées à partir d’aciers obtenus dans des fours à l’antique (Tatara). Il faudra, comme on le fait d’un artiste peintre d’aujourd’hui, bien choisir l’artisan qui, réputé ou non, garantira à son propriétaire de voir son acquisition prendre de la valeur dans le temps. Cela dit, les vendeurs sérieux sauront vous indiquer les meilleurs.
Après, il est également possible de les acquérir sur Internet (quelques sites spécialisés) mais là encore, on ne saurait trop encourager les futurs acheteurs à “toucher” la marchandise qui, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, n’est pas si rare.

Certaines boutiques, rien qu’à Tokyo, proposent sur plusieurs étages des lames modernes de tous types. Contrairement à une idée reçue, ces lames souvent magnifiques sont exportables et transportables en soute lors du retour au pays. Il y a évidemment des formalités, mais les marchands sont parfaitement au courant et ils aideront les acheteurs à sortir du pays la pièce acquise. Évidemment, cela s’entend pour un sabre moderne, mais il peut y avoir des restrictions sur certaines références anciennes
signées par des forgerons renommés. Là encore, avec l’informatisation actuelle, il est peu probable de trouver un katana signé Massamune (forgeron pratiquement
déifié) dans un coin de boutique de l’une des villes du Pays du Soleil Levant et encore moins en Europe, où les experts nippons ont écumé les antiquaires, des “Sixties”
aux années 1980, pour récupérer le meilleur de ce qui avait été vendu par les grands magasins au XIXe siècle (après la bataille de Satsuma en 1877. Cf Le dernier samourai) et les spécialistes – français comme hollandais – durant toute la période dite du “japonisme” qui a inspiré l’Art nouveau et les peintres impressionnistes.

Reconnaître le meilleur

Inutile ici de citer les meilleurs maîtres, il n’est pas possible d’en faire la liste et peu nombreux sont ceux capables de lire les idéogrammes sur la soie de la lame. En revanche, il sera toujours intéressant de sélectionner un katana ayant ses papiers NBTHK (sorte de carte d’identité avec avis d’expert). Il existe quelques vendeurs de très belles pièces rares à Genève, Paris, Amsterdam et ailleurs encore. Les puristes choisiront des pièces signées par des forgerons de renom avec des polissages réalisés dans les règles de l’art. Attention toutefois, ces traitements de surface mettant en valeur les lignes de trempe et les effets de martelage du métal demandent un gros entretien et la moindre trace de doigt entraîne, si elle n’est pas nettoyée immédiatement, une trace de rouille qui nécessitera de reprendre toute la lame (plus de 1500 euros de polissage et une perte de matériau donc, une dégradation de la lame). Le sabre japonais nécessite du soin et de la méthode, le choisir est une chose, l’entretenir pour lui garantir de passer les années sans s’affadir et afin qu’il conserve sa valeur en est une autre. Ces lames sont belles comme l’est un bonzaï, mais il faut y prendre garde et lui assurer
d’avoir un environnement qui mette la pièce en valeur. Après, tout est affaire de goût, de culture et de moyens économiques…

 

Vincent Daveau