Elle est la première femme à avoir obtenu le titre d’un des Meilleurs Ouvriers de France en torréfaction ou plutôt “Meilleure Ouvrière de France” comme elle le revendique. Daniela Capuano n’est pourtant pas née dans l’Hexagone mais au Brésil, dans une famille de producteurs de café.
Après une carrière de barista, elle officie aujourd’hui dans la boutique parisienne de Momus, éditeur de cafés d’exception, où elle élabore des assemblages exclusifs.
Qu’est-ce qu’un bon café ? A cette question en apparence simple, Daniela Capuano répond sans ambages : “dire qu’il n’y a qu’un seul bon café reviendrait à affirmer qu’il n’existe qu’un seul type de bons vins”. En revanche, il y a quelques règles de base à respecter, comme acheter son café chez un torréfacteur et se faire conseiller, utiliser une
eau de qualité – filtrée ou de source – et à la bonne température puisqu’elle représente 95 % de la boisson, choisir une tasse adaptée car cela influe sur la perception sensorielle. Meilleure Ouvrière de France torréfactrice, Daniela Capuano a gagné la reconnaissance de ses pairs et fait désormais partie des voix qui comptent quand il s’agit de parler café.
Daniela est née au Brésil, qu’elle a quitté à l’âge de 28 ans pour rejoindre sa soeur, installée à Paris pour ses études. Ses grands-parents étaient producteurs de café mais elle a mis du temps avant d’apprécier cette boisson, qu’elle trouvait trop amère et que les Brésiliens avaient l’habitude de trop sucrer. Par hasard, Daniela s’est essayée au métier de barista pour financer ses études et a eu l’occasion de goûter des assemblages de qualité. Puis, pendant un an, elle voyage grâce pour représenter l’association brésilienne des cafés de spécialité BSCA (Brazil Specialty Coffee Association), qui l’a choisie comme barista sur des salons professionnels internationaux. Elle découvre la diversité des cultures en fonction des pays et noue de nombreux contacts.
Dès qu’elle arrive à Paris en 2012, elle s’inscrit à la Sorbonne pour apprendre le français et devient barista à la Caféothèque de Paris, l’un des premiers lieux de la Capitale où l’on déguste des cafés en évoquant leurs origines. Puis, elle collabore avec L’Arbre à Café, l’un des précurseurs en matière de cafés de spécialité. Après une période dans la boutique de la rue du Nil, où elle forme notamment des restaurateurs à la dégustation et à la sélection des cafés, elle devient responsable du contrôle qualité à la torréfaction. Puis, Daniela Capuano est recrutée en 2017 par le torréfacteur alsacien Café Reck, où elle était responsable adjointe de la production tout en créant des gammes de café. Lorsque le concours d’un des Meilleurs Ouvriers de France inaugure en 2018 la catégorie torréfacteurs, le directeur de Café Reck inscrit Daniela à la compétition. “Je ne croyais pas un instant à mes chances : j’étais une femme parmi une majorité d’hommes et en plus, je n’étais pas française… J’ai donc décidé de profiter de ma chance de participer à cette compétition sans me mettre aucune pression”. Et contre toute attente, parmi une trentaine de candidats, Daniela Capuano devient l’un des trois lauréats et la première femme MOF torréfactrice. Depuis, Anne Caron a aussi obtenu le titre.
Son parcours conduit Daniela Capuano à s’associer à la jeune marque de cafés Momus Paris, créée en 2022 par Lionel Giraud. Le nom s’inspire à la fois du dieu grec des
artistes et du café littéraire parisien du XVIe siècle, qui a inspiré la Bohême à Puccini. Avec une boutique rue des Martyrs, dans le IXe arrondissement de Paris, et une
autre en Seine-et-Marne, dans le centre commercial en plein air la Vallée Village, Momus Paris édite des cafés de haute volée sélectionnés et assemblés par Daniela.
“Momus, c’est mon bébé professionnel”, raconte la jeune femme, alors qu’elle attendait un bébé à l’heure où nous écrivions ces lignes. A partir de sa naissance, elle manquera de temps pour mettre en oeuvre l’autre activité à laquelle elle est attachée : la formation. “Dans les écoles hôtelières, seules quelques heures sont consacrées à l’apprentissage du café, c’est insuffisant”, déplore-t-elle. Elle préconise que tous les MOF en torréfaction, désormais au nombre de six, s’associent pour prêcher la bonne parole. “Comment un pays comme la France, si précis quand il s’agit de tracer la provenance du moindre fromage, est-il aussi léger en matière d’origines des cafés ?”, s’insurge Daniela.
Beaucoup de Français ont encore du mal à intégrer le fait qu’un café de qualité représente un certain coût. La concurrence entre industriels et artisans torréfacteurs n’est pas équilibrée mais petit à petit, les mentalités évoluent. “Si j’avais un seul conseil à donner, ajoute Daniela Capuano, ce serait de garder l’esprit ouvert. Même si chacun à ses préférences de goûts, le café mérite d’être découvert dans toute sa diversité”.
Carine Loeillet