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Vers un café de qualité

Vers un café de qualité

Les Français commencent à évoluer dans leur consommation du “petit noir” et passent progressivement du café industriel au café de spécialité, autrement dit : du café de commodité au café de terroir.

 

Le café s’invite dans l’actualité depuis que le dérèglement climatique a fait des ravages dans les pays producteurs, avec pour conséquence une montée en flèche des cours mondiaux. Or, après le pétrole, le grain de café est la matière première la plus vendue au monde, avec neuf millions de tonnes produites. Le café représente l’une des boissons les plus consommées après l’eau.

La France ne se classe qu’au dix-neuvième rang des pays consommateurs, même si 80 % des Français boivent plus de deux tasses par jour (contre quatre tasses en Finlande), ce qui représente 5,4 kg de café par habitant chaque année.

©Photo Hugo Tordjman
Victor Delpierre et son Barista – Salon Paris Coffee Shop

Peu à peu, nos compatriotes prennent la mesure de ce produit de terroir et de son écosystème. En septembre dernier, s’est tenu le salon Paris Coffee Show, ouvert principalement aux professionnels mais aussi, au grand public. Etaient présents une centaine d’exposants et de torréfacteurs, des baristas comme Victor Delpierre
(champion du monde Coffee in Good Spirits 2013) et quelques Meilleurs Ouvriers de France en torréfaction : Daniela Capuano (cf rubrique portrait), Anne Caron
ou Laurent Baysse. On pouvait croiser dans les allées autant d’experts que d’amateurs, tous passionnés par le produit. A l’image de Philippe Michel, qui venait de
lancer sur Instagram et sur le Web son nouveau média digital “Places du café”, dédié au café de spécialité. Ou de la société Fresh Coffee Clean Ocean, lancée par la
Belco, qui source et importe des cafés de spécialité. Le concept est de privilégier la voile comme moyen de transport tout en garantissant une qualité supérieure
du café. Cette initiative assure un café de qualité en respectant la planète grâce à un transport décarboné à 90% par voie maritime, à bord d’un voilier cargo.

 

Quelques mois plus tôt, nous rencontrions Pietro Mazzà, directeur général de Lavazza France, chez le Chef Yannick Alléno lors du lancement d’un assemblage de spécialité,
sous la marque 1895 Coffee Designers by Lavazza. L’assemblage Yannick Alléno Signature a été élaboré à partir de petits lots sélectionnés en différentes parties du monde : Mundo Novo du Brésil, Castillo de Colombie au traitement naturel et à double fermentation et Red Catuai du Guatemala à fermentation naturelle. Chaque origine est torréfiée individuellement pour renforcer le caractère de son profil aromatique. Cet assemblage offre une expérience gustative surprenante, avec des notes de chocolat au lait et de miel, de prunes et de fleurs de café en fin de bouche. Chaque produit élaboré pour la gamme représente le résultat d’une sélection dans de petites plantations durables par des experts en café, garantissant un profil aromatique constant. Chaque assemblage est composé d’origines de café distinctes, torréfiées individuellement, puis savamment assemblées pour parfaire le résultat en tasse.

Des origines à la transformation

Pour mieux comprendre l’écosystème autour du café et apprendre à apprécier le produit, les éditions Quæ viennent d’éditer “Café, la grande épopée”, un livre écrit par Michel Barel et Christophe Montagnon. Cet ouvrage explore le monde du café, de ses origines à sa transformation, en passant en revue toute la filière. Sont évoqués l’histoire du caféier, sa dissémination, sa culture, les différentes étapes de transformation des cerises de café. Les auteurs percent aussi le secret des arômes du café révélés au cours des différentes étapes de la fermentation et de la torréfaction, jusqu’à la préparation de la tasse. Sans oublier les techniques et les matériels de préparation du café selon les pays et les coutumes : le café “turc” (à laisser reposer), le café “Cona” (infusion), le café filtre (percolation), le café expresso (percolation avec mouture très fine), etc.

Une histoire relativement récente

Contrairement à d’autres cultures millénaires, les exploitations de café datent de seulement quelques siècles. Le caféier, plante dont est issue la petite cerise rouge de café, vient d’Éthiopie, de la région de Kaffa. Elle a été cultivée au Yémen à partir de la fin du XVe siècle avant d’être implantée dans toute l’Arabie. Aujourd’hui, les plants de café, cultivés dans des terroirs d’altitude répartis dans plus de 50 pays, offrent un large et riche panel de variétés (bourbon, java, moka, maragogype…) où la cerise de café est récoltée manuellement, le plus souvent dans de petites fermes. Les principaux producteurs mondiaux sont : Brésil (40%), Vietnam, Colombie, Indonésie, Ethiopie, Honduras, Inde, Ouganda, Mexique et Pérou. En France, le café fait son entrée officielle en 1669. L’ambassadeur de Turquie en avait offert à la cour du roi Louis XIV à l’occasion d’une grande réception. Les nobles et les riches bourgeois apprécient ses qualités gustatives puis, sa consommation se diffuse dans toute la société grâce à l’apparition de débits de café. On doit l’ouverture du premier débit de café en France à un Arménien, Pascal Haroukian, à Marseille (1671) et à Paris (1672).

Mutation du marché

Quelle différence entre un café industriel et un café de terroir ? Le Collectif Café, créé en 1959 – il s’appelait alors Comité français du café – est la principale fédération du café de spécialité en France. Cet acteur engagé pour une valorisation de la filière se donne aussi pour mission d’informer sur toutes les facettes du produit, à commencer par ses origines. Aujourd’hui, le marché connaît une mutation, enregistrant une demande exponentielle. La production globale a augmenté de 60% depuis les années 1990 et la demande va encore évoluer à la hausse. Président du Collectif Café et à la tête des cafés Proqua, David Serruys a fondé en 2019 le salon Paris Coffee Show pour fédérer la filière lors de cet événement, soutenir ses acteurs et faire connaître également au grand public les artisans qui proposent du café de spécialité, qu’il appelle plus volontiers “café de terroir”. Le goût du café de qualité supérieure illustre la richesse et la diversité des terroirs, le savoir-faire requis à toutes les étapes : choix des variétés, méthodes de récolte, de fermentation et de séchage, tri, constitution et protection des lots, torréfaction pour une qualité optimale. A l’opposé, le café “de commodité” ou “industriel” vise une production en volume et à bas prix. “Si une tasse de café industriel revient à 10 centimes, une tasse de café de qualité coûte seulement quatre centimes de plus”, explique David Serruys. “Pourtant, 90% des Français achètent encore un café issu le la filière industrielle dans le réseau de la grande distribution”.

Tasses Biennale Illy Art Collection

Les artisans du café

Fort heureusement, les choses commencent à évoluer dans le bon sens. Depuis dix ans, la part de marché du café en grain est en nette augmentation, pour atteindre plus d’un quart des ventes. La torréfaction indépendante, locale et artisanale représente 5% des ventes et augmente de 15% par an depuis 2020. “D’ailleurs, le vocabulaire a évolué, fait remarquer le président de Collectif Café, dans la mesure où l’on ne parle plus de “brûleries” mais de “torréfacteurs”.
L’autre grand changement observé depuis 2010 est la multiplication des Coffee Shops : il s’en ouvre désormais un par semaine en France et 85% d’entre eux sont indépendants. Lancés dans un premier temps comme des concept-stores où l’on trouve du café de spécialité et une diversité de produits pour une jeune clientèle, les coffee shops sont devenus des lieux d’expériences  et de rencontres autour du café qui séduisent toutes les générations. Au lieu d’avaler rapidement son “petit noir” au comptoir, on y apprend à déguster ce breuvage et à le sélectionner soigneusement. “A l’opposé d’un produit industriel transformé, conclut David Serruys, le café est un don de la nature et s’épanouit grâce aux soins prodigués par l’homme”.

 

Carine Loeillet