On a beau dire, tout le monde aime savoir quelles sont les montres les plus recherchées du marché. En voici dix montres appartenant à la haute-horlogerie, sélectionnées par rapport à la récente et subtile évolution des tendances.
On dit parfois que le conformisme est consubstantiel de notre société de consommation. On sait cette situation être en partie le fruit de la communication de masse, dont le but est de parvenir à faire acheter la même chose au plus grand nombre. Après, la mode vient pondérer ou accentuer les effets de marché. Mais c’est un fait, même averti et instruit, il est difficile de résister aux sirènes du mimétisme sociétal. A ce propos, on pourrait croire les ultras-riches, dont les moyens à disposition devraient les protéger de ce fléau, à l’abri de céder au besoin d’acheter certains produits considérés comme des biens positionnels. Seulement, nombreux sont ceux aussi à vouloir se sentir appartenir à une tribu et, plutôt que de s’offrir des objets atypiques originaux ou uniques que leur permettent leurs moyens, ils sacrifient aux outils horlogers communs. Maintenant, depuis quelques années déjà, une nouvelle génération de consommateurs pollue le marché en spéculant sur la rareté d’une montre dont ils font artificiellement grimper la cote. On a vu les résultats et les hausses délirantes de certaines références ou les sommes payées lors de ventes prestigieuses pour des montres dites rares alors qu’elles sont en général des produits finalement très basiques d’un point de vue technique.
Horlogers indépendants
Par chance, la crise actuelle semble faire s’infléchir cette tendance et on voit émerger des pièces de créateurs ou de marques osant des instruments originaux parmi les garde-temps de référence. On va donc commencer par eux, pour une fois. Parmi tous les horlogers indépendants, c’est assurément Richard Mille qui s’en sort le mieux. Sa réussite est à l’image du produit : atypique. Aujourd’hui, comme avant lui Franck Muller, il s’adresse à une population de fortunés en quête de produits qu’eux seuls peuvent s’offrir. A chacun ses frontières. Mais, depuis peu, un autre horloger indépendant fait le « buzz » dans l’univers de la collection. Le grand public ne le connaît pas toujours, mais il fait partie des génies horlogers qui resteront – au même titre que Breguet, Berthoud ou Arnold – dans les annales du métier. Il s’agit bien entendu de François-Paul Journe, dont les créations s’arrachent en salle à des prix très supérieurs à l’estimation. Logiques, belles, mécaniquement abouties et compliquées, ses montres sont rares et réalisées artisanalement au cœur de Genève. Tout le monde ne peut pas en dire autant.
Pièces attractives
Ensuite, vient Bvlgari que l’on n’attendait pas ici il y a peu encore. La martingale des montres ultra plates Octo Finissimo, au design inspiré par l’œuvre de Gérald Genta, est parvenue à faire s’imposer le produit qui, rare et complexe, séduit une population lassée des grands standards mais désireuse d’avoir un produit abouti signé d’une maison de renommée internationale. Ça pose son homme !
Ensuite, les pièces les plus attractives sont celles associées à l’aventure. La première évoquée avait un moment disparu des listes des pièces recherchées, mais avec l’anniversaire des 70 ans du modèle, la Fifty Fathoms de Blancpain reprend du service. Les versions destinées à célébrer son histoire ne manqueront pas de voir leur valeur croître avec le temps, d’autant que le prix de départ n’est pas négligeable. Ensuite, on retrouve l’incontournable chronographe Speedmaster Professional Moonwatch signé Omega. Plus le modèle est ancien et plus il a de valeur. On préfèrera les instruments les plus proches de l’année de lancement (1957) et ensuite, tous ceux dont les numéros les associent aux périodes de la conquête de l’espace et après, de la Lune (1961 à 1972). De tous les modèles présentés dans cette sélection, on notera que ce chronographe est le garde-temps ayant l’histoire la plus impressionnante et le prix le plus bas, même s’il progresse très vite en raison de cette équation qui le rend particulièrement attractif. Avis donc aux amateurs en quête de la perle rare. Le Speedmaster est pour eux !
Mythes et belles signatures
Dans le même esprit, mais finalement un peu moins facile à trouver, on compte deux produits Rolex qui, eux aussi, ont eu une belle carrière au poignet de nombre de héros des temps modernes. Il s’agit des fameuses Oyster Perpetual Submariner et Oyster Perpetual Cosmograph Daytona. Ces deux pièces font partie du top cinq des modèles de montres les plus recherchés sur Terre. Les deux ont un temps été la cible des spéculateurs, mais aujourd’hui, les choses reviennent doucement à la normale et il est structurellement plus facile de les trouver en boutique qu’il y a encore trois ans. Les prix de revente s’en ressentent et se rapprochent de ceux du neuf. Mais, il y a une valeur pour chaque chose et il serait insensé d’en discuter le bien fondé, surtout lorsqu’il est associé à une envie associée à un mythe.
En revanche, il est toujours possible de s’interroger sur les raisons qui poussent des amateurs à surpayer le modèle le plus simple d’une famille de produits, même s’il porte une belle signature. Deux marques rencontrent ce problème, qui pourrait leur jouer des tours. En effet, les manufactures Patek Philippe et Audemars Piguet, toutes deux réputées pour la qualité de leurs montres à complications, sont dans la même situation. Depuis près de cinq années, ce sont les modèles les plus simples qui font la tête d’affiche. En effet, la Nautilus comme l’Aquanaut de Patek Philippe, et la Royal Oak d’Audemars Piguet sont à ce jour les pièces les plus recherchées du marché. Cela entraîne une inflation des prix des rares garde-temps accessibles d’autant plus importante qu’ils sont produits en petite quantité (à pondérer pour Audemars Piguet, chez qui la Royal Oak sous toutes ses références représente plus de 80 % de la production).
Dans ce monde fascinant et difficile à cerner, personne ne sait combien cet état de grâce durera. Une chose est certaine, ces derniers mois et sans doute en raison de la crise mondiale, la cote pour ces deux modèles a fortement baissé. Que les possesseurs ayant payé ces instruments au prix se rassurent, la décroissance est nette, mais la valeur demeure élevée. Seuls ceux qui les ont achetées au plus fort de la demande auront quelques difficultés à rentrer dans leurs frais lorsqu’ils en seront lassés. Mais c’est le jeu et comme on le dit dans les banques, quand il s’agit de placements spéculatifs, ils comportent des risques en perte, y compris de capital… A réfléchir donc, entre plaisir et rendement, quand il est question d’instruments de mesure du temps.
Vincent Daveau
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