En contrepoint, la tendance était déjà présente depuis longtemps chez quelques marques horlogères qui avaient capitalisé sur leurs références emblématiques. Aujourd’hui, le marché est littéralement bouleversé par la mode des montres vintage associée à la naissance d’un courant néovintage, qui brouille quelque peu les pistes.
Le marché des montres d’occasion ne s’est peut-être jamais aussi bien porté qu’actuellement et les ventes aux enchères
des garde-temps les plus prestigieux battent record sur record. Pourtant, les marques horlogères continuent à proposer autant de nouvelles collections. N’auraient-elles donc rien compris aux attentes des consommateurs ? Bien au contraire, elles sont
parfaitement à leur écoute et s’adaptent en permanence à leurs desiderata. Elles ont notamment su prendre le virage des montres connectées, du moins celles qui ont fait le choix de proposer ce type de gammes. Les concepteurs horlogers ont aussi su jouer sur la taille des diamètres pour se conformer à la mode du moment. Après les calibres oversize puis, les petites ouvertures, voici venu le temps des formats de taille moyenne, qui possèdent l’avantage de convenir à la plupart des poignets et notamment, séduisent aussi bien les hommes que les femmes.
Une question de proportions
Les montres-bracelets anciennes étaient généralement plus petites que celles que nous portons de nos jours. De plus, certains détails de leur design ne sont plus forcément en phase avec l’évolution des goûts de nos concitoyens. Les montres vintage font fureur auprès d’une partie de la clientèle mais ne conviennent pas à tout le monde. Les maisons horlogères ont trouvé la parade en retravaillant certains de leurs modèles iconiques, voire même des références oubliées, de manière à conserver un look vintage, tout en les adaptant aux contraintes et modes actuelles. Cela fait longtemps que Cartier n’a pas proposé de nouvelle boîte de forme. Depuis deux ans, la maison préfère retravailler les lignes de ses modèles les plus célèbres, masculins comme féminins : Santos, SantosDumont, Tank, Panthère. La marque à la couronne n’avait pas attendu ses concurrents pour garder un œil dans le rétroviseur : bien avant tout le monde, Rolex a compris qu’il suffisait de miser sur ses références historiques en ne modifiant, année après année, que d’infimes détails pour que le succès perdure au long des décennies.
D’autres, notamment dans le groupe Swatch, ont aussi jugé que le côté rétro de leurs montres pouvait être un atout, à l’image de Hamilton (cf Intra-Matic Auto Chrono qui s’inspire d’un chronographe de 1968) ou de Tissot (cf Heritage 1973). Dans ses dernières collections, Longines met particulièrement l’accent sur ses lignes Heritage, tout en innovant au travers de modèles inédits, dont le look apparaît pourtant comme furieusement vintage : The Longines Heritage Classic, Legend Diver, ou Master
Collection. Même Rado, le spécialiste de la céramique high-tech, ne s’intéresse pas seulement au travail de la matière et revisite d’anciens modèles des années 1960, comme Captain Cook Automatic.
Retour aux sources
La marque Junghans revient sur le devant de la scène grâce au look rétro de la majorité de ses modèles et à des éditions limitées, comme la montre Max Bill Automatic 100 Jahre Bauhaus, présentée à l’occasion du centenaire de ce mouvement artistique. C’est aussi la recette qui fait le succès de la maison horlogère française Lip depuis quelques années : le choix a été fait de rééditer des modèles emblématiques tout en les relookant, à l’image du chronographe Rallye. Autre exemple réussi d’un pont jeté entre le passé d’une maison centenaire comme Citizen et le regard qu’elle porte sur le futur : son modèle Platform Mechanical, qui change totalement d’allure selon la couleur du cadran. Quant à la manufacture Vacheron Constantin, elle plonge dans ses archives pour proposer de nouvelles déclinaisons de la collection des Historiques. Mais c’est
surtout la ligne Fiftysix, dévoilée en 2018, qui illustre le mieux l’aboutissement d’un travail sur un modèle ancien vers une nouveauté particulièrement aboutie. Entièrement dessinée par une femme, la collection Fiftysix s’inspire d’une montre que Vacheron Constantin avait commercialisée en 1956, la référence 6073, avec ses attaches en forme de branches de croix de Malte, signature de la maison genevoise. Entre passé et présent, vintage et modernité, la collection Fiftysix se distingue par son style rétro-contemporain. En moins de deux ans, elle est déjà devenue un classique et illustre parfaitement le succès de ce courant néovintage. Une tendance qui mélange tous les codes avec un certain succès.
PAR CARINE LŒILLET
© Photo Vacheron Constantin, Collection Fiftysix
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