Haute Couture : Automne-hiver 2021-2022
Défilés ou pas, la haute couture a su s’adapter à la pandémie. Néanmoins, c’est avec soulagement que nombre de défilés pour la saison de la haute couture automne/hiver 2021-2022 se sont déroulés cette fois-ci avec des parterres d’invités. Triés sur le volet certes, les happy few étant sans nul doute très heureux mais surtout très peu nombreux, la crise sanitaire exige encore des restrictions. Mais haut les cœurs, la magie et la féerie de la haute couture étaient, elles, bien présentes.
Ces présentations, inventées dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale, sont devenues des moments incontournables du monde de la mode et Paris la plaque tournante de cet univers de frou-frou, d’excellence, de savoir-faire et d’émerveillement. L’idée du départ était de demander aux membres des Chambres syndicales « de créer des pièces uniques respectant un ensemble de règles spécifiques, parmi lesquelles l’excellence créative, la minutie des détails et un nombre minimum d’heures passées à la réalisation des créations. »
Des règles toujours en vigueur. Ainsi, l’une des capes imaginées par Kim Jones pour Fendi a requis 850 heures de travail pour assembler 2 800 morceaux de vison afin de recréer l’illusion de marbres italiens. Quant aux 27 000 pétales de fourrure du manteau « explosion de fleurs », il aurait demandé pas moins de 2 020 heures de travail aux vertueuses “petites mains” des ateliers. Pas facile de succéder à Karl Lagerfeld… La maison italienne a aussi choisi cette saison de dévoiler sa collection… en ligne à travers une vidéo tournée au siège de la marque le Palazzo della Civilità Italiana. C’est en partie la raison d’être de la haute couture, pousser l’extravagance au plus haut point afin de repousser sans cesse les limites de l’exceptionnel et des possibilités permises par des artisans aux savoir-faire hors pair. Ici, pas de contraintes, de temps, d’argent, tout est autorisé… Seule la beauté doit être au rendez-vous.
Palais Galliera pour Chanel et musée Rodin pour Dior… Cette saison, la directrice artistique de la maison Dior, Maria Grazia Chiuri s’est penchée sur les techniques de broderie : résille, filet ou à sequins. Et cela commence avec l’immense toile de la plasticienne Eva Jospin (95 mètres de long, par 3m50 de haut ), Chambre de soie, une fastueuse broderie grandeur nature qui sert de décor au défilé des 75 looks de la maison Dior. Ici, les modèles mettent en avant l’art du tissage dans une série de pièces en maille tressée, à carreaux ou en tweed bouclé… Quant aux broderies, ultra présentes, elles ne sont pas juste là pour le décor mais elles constituent l’essence même du vêtement. Rose poudré, doré lamé, nude, bleu ou vert d’eau sont les couleurs délicates mises en avant cette saison. Le tailleur Bar, présent au rendez-vous, est ici redessiné en déplaçant les emmanchures, et un effet trois dimensions est donné par de la passementerie en velours noir. Quant aux tenues de fées, Dior ne les a pas oubliées avec des jupes brodées de plumes, des robes aux magnifiques plissés, des dos nus et, pour attirer encore plus l’attention, une robe de mariée, non pas blanche, mais verte, toute en transparence puisqu’on devinait la culotte couleur chair taille haute derrière les tulles rebrodés de détails bucoliques raffinés. Les plumes qui recouvraient les tulles ont nécessité 1 500 heures de travail et ont demandé le savoir-faire de quinze plumassières. Une démonstration magistrale de l’excellence de l’artisanat de la mode… porter une tenue Dior peut rendre le monde plus beau à défaut de le rendre meilleur…
La créatrice néerlandaise Iris van Herpen a aussi retenu l’option digitale (un court-métrage de 7 minutes) pour Earthrise, une collection qui, en 19 looks, met en avant la « terre et l’immensité de la planète » pour reprendre l’explication de la maison. D’ailleurs, soucieuse de la préservation de la terre, elle utilise des matériaux recyclés (certains looks ont été créés avec du plastique recyclé en collaboration avec Parley for the Oceans) et, explique-t-elle, elle cherche « à combiner l’artisanat avec les nouvelles technologies ». Preuve en est puisqu’elle elle a eu l’idée d’utiliser l’impression 3D. Couleurs dégradées pour des silhouettes évanescentes et des coupes fluides tout en étant structurées sont les thèmes fort de ses dernières créations.
Retour au charnel pour Chanel qui renouait avec les défilés en présence d’invités, le premier depuis mars 2020. Et c’est au sein du Palais Galliera (dont Chanel est le mécène exclusif) que les 37 looks de la saison automne-hiver 2021-2022 ont été présentés. « J’avais envie d’une collection particulièrement colorée, très brodée (…) Parce que j’aime les couleurs dans la grisaille de l’hiver », a confié Virginie Viard. Alors place aux tweeds pailletés multicolore, aux longues jupes serties de plumes d’organza rose ou violet, aux robes en satin blanc et gros nœud noir, aux blouses brodées de fleurs rouges, bleues, jaunes sur fond noir… Bref, des touches de couleur pour égayer le futur hiver.
Angèle Koune