Et si le comble du chic était de ne pas avoir l’air de l’être ? Le luxe mise désormais sur le minimalisme et l’extrême qualité ! Dans le Quiet Luxury, c’est le détail et la simplicité qui font la différence : une manche, un col, une coupe…
Exit la logomania, le monogramme à outrance, le color block tape à l’œil. Désormais, on n’affiche plus les marques. On mise sur le look monochrome, les lignes épurées, les tons neutres. Le style n’est plus synonyme d’ostentation mais bien au contraire, il devient minimaliste et discret. Le Quiet Luxury bouscule les codes de la mode !
Les accessoires
Quels sont donc les codes de cette tendance et à qui s’adresse-t-elle ? Serions-nous en train de tendre vers une consommation plus responsable ? Nous avons connu au cours de cette dernière décennie une période de logomania extrême, où afficher la marque était à la mode : monogramme en total look, color block à outrance, voire streetwear. Un phénomène de logomania apparu dans les années 1990 à 2000 avec Karl Lagerfeld, qui apposait le double logo Chanel sur ses pièces, ou avec John Galliano, avec le fameux « j’adore Dior ». De même que l’époque Tom Ford chez Gucci, où le color block était le maître mot.
Une période qui semble avoir récemment disparu, laissant place à des pièces basiques. La mode revient à un style plus simple, plus minimaliste où la qualité est le maître mot. Tout se joue alors dans le détail. C’est la tendance Quiet Luxury. Celle qu’adopte l’élite.
Les codes du Quiet Luxury
Le luxe se veut désormais discret ; le style, intemporel. On mise sur des valeurs sûres : de beaux basiques avec des matières et des coupes impeccables. Car le vêtement est fait pour être porté dans la vie de tous les jours. Exit les imprimés voyants ! On peut en porter mais cette fois, on les choisit discrets : rayures ou pois feront l’affaire.
Côté couleurs, on opte pour des tons neutres : du noir, du beige, du blanc, du gris, du bleu marine, du marron… On affiche aussi des couleurs, mais en teintes saturées souvent portées en total look. Le rouge est la couleur star de la saison, que l’on va beaucoup retrouver sur les manteaux.
Le look oversize sera toujours de rigueur mais contrôlé et stylé, car l’excès manque d’élégance. Le blazer se porte avec des épaulettes, comme on l’a vu sur le podium du défilé Saint Laurent, avec une jupe crayon ou un pantalon à pinces taille haute. La taille sera très marquée cette saison. La lavallière est également de retour.
Le jean apparaît en total look mais en s’assurant qu’on reste sur les mêmes teintes.
Les matières sont nobles : soie, cachemire, laine, lin… et surtout, de qualité irréprochable. Le maquillage est sobre, souvent nude et frais.
Coté accessoires, on opte toujours pour la simplicité : les pièces ont un esprit rétro et de bonne qualité. On n’hésite pas à retourner dans le vestiaire vintage pour les bijoux ou les montres. C’est le grand retour de la Tank de Cartier ou de la montre Première de Chanel.
Pour les chaussures, on cherche le confort absolu. Le talon est bas ou carrément plat. La ballerine revient à la mode, ainsi que les mocassins. La ceinture est l’accessoire star de cette tendance. Elle se choisit très simple, plutôt fine : grand succès du modèle Kelly d’Hermès et du Triomphe de Céline, qui remporte un succès phénoménal, de même que le sac. D’ailleurs la maison Céline n’hésite plus à réinterpréter des pièces de ses archives. De même pour la maison Saint Laurent, qui a proposé un défilé digne d’un retour dans les années 90 : des pièces minimalistes aux tons neutres, des bijoux oversize à l’esprit vintage. Une garde-robe essentielle, telle que l’avait annoncée Anthony Vaccarello, le créateur.
Et si cette tendance existait déjà ?
Certaines maisons ont pourtant toujours adopté ce minimalisme, souvent jugé austère. C’est le cas des maisons Jil Sander, Helmut Lang, Prada, Loro Piana, Bruno Cucinelli, Zegna ou encore, The Row.
Aussi, dans les années 2010, la créatrice Phoebe Philo de Celine avait en quelque sorte établi le style Quiet Luxury : une véritable ère de la mode a vu le jour. La créatrice a insufflé un souffle à la mode de l’époque. Un style qui a séduit et créé des adeptes : les « philophiles ». Quand on pose la question à R., consultante mode, elle répond : « Phoebe Philo a changé ma façon de percevoir la mode. On vit dans ses vêtements, on peut les porter pour travailler, courir, aller en soirée. Ce ne sont pas juste des vêtements, c’est toute une attitude. Ce sont des pièces que je porterai au fil des années ». C’est d’ailleurs à son départ qu’est née l’époque « Old Celine », comme une rupture dans le temps avec le nouveau Celine. Départ qui a laissé un vide, mais ses valeurs ont été reprises par d’autres créateurs : par exemple, la maison Bottega Veneta a souvent repris les codes Old Celine en embauchant Daniel Lee, l’assistant de Phoebe Philo chez Celine. D’autres marques se sont inspirées depuis de ce style « effortless chic » : Blazer oversize, pantalon taille haute, lignes épurées chez Victoria Beckam, Jacquemus, Gabrielle Hearst ou, plus récemment, Khaite, Peter Do.
Au-delà de cette ère, et même si cela passait inaperçu, ce style était déjà depuis longtemps adopté par les PDG de la tech. Le style Steeve Jobs était un col roulé noir et un jean souvent porté lors de ses présentations. Mais ce pull, de prime abord très simple, était un Issey Miyake qui coutait 2000 € et était d’une matière impeccable. C’est également le cas de Marc Zuckerberg, dont le T-shirt, qui paraît banal, est une pièce de Bruno Cuccinelli et vaut 600 €.
Quand on a de l’argent, on n’a pas besoin de l’afficher, on mise sur l’élégance et le pouvoir : le vêtement indique sa puissance et le dicton « When you Know, you Know !» prend tout son sens dans ce mouvement. Le vêtement exprime.
Qu’est ce qui crée cet engouement ?
Nous avons connu l’époque de la pandémie et confinés, nous avons un peu pris l’habitude de nous habiller de façon plus décontractée, favorisant bien plus souvent le confort.
Cette période nous a ramenés à des choses plus simples et plus qualitatives. Nos habitudes de consommation ont quelque peu changé. La seconde main est même entrée dans les mœurs, ainsi que le vintage. Le consommateur s’est tourné vers une consommation plus responsable. Adopter des basiques est entré dans les habitudes.
Aujourd’hui, la majorité des maisons adoptent désormais le style minimaliste. C’est le cas de la Gucci, qui a nommé à la création Sabato de Sarro, qui rompt avec le style éclectique d’Alessandro Michele. Sa mission : rendre la maison plus élitiste. Le retour d’anciens iconiques en est la preuve, tel que l’emblématique sac Jacky. Celine reprend aussi les codes de ses archives vintage : blazer XXL, retour du Triomphe.
Les adeptes du Quiet Luxury s’habillent chez The Row, Bruno Cucinelli, Loro Piana, Celine, Bottega Veneta, Max Mara, Ralph Lauren, sans oublier la maison Hermès, papesse de l’ultra luxe. Des maisons qui proposent des pièces minimalistes mais d’extrême qualité. Ce phénomène n’échappe cependant pas aux marques de Fast Fashion comme Massimo Dutti, Cos ou même, Zara, qui n’hésitent pas à surfer sur la tendance, proposant des pièces de meilleure qualité, même en éditions limitées, pour attirer une clientèle plus exigeante.
Il faut néanmoins rappeler que le Quiet Luxury concerne uniquement une élite car on parle de pièces onéreuses. Cette tendance de la Fast Fashion se rapproche bien plus du style « Old Money » et donne plutôt l’illusion d’être dans la tendance.
La mode est revenue à des choses plus simples. Il faut donc croire que cette tendance représente l’une de ses manifestations.
Josiane Massé